Dix ans ont passé depuis la bataille sur Achéron – alias LV-426 – : au sortir des caissons d’hypersommeil, Ripley a disparu sans laisser de trace, Hicks est contraint au silence par ses supérieurs et Newt est enfermée dans un hôpital psychiatrique où on tente d’effacer de sa mémoire des souvenirs gênants pour certains. Avec l’aide du marine, elle parvient à s’enfuir à bord d’un navire militaire ayant pour mission de recueillir des spécimens d’Aliens grâce à de tous nouveaux modèles d’androïdes de combat…
Mais pendant ce voyage, la Terre tombe sous le joug des xénomorphes. Les quelques humains survivants fuient vers les étoiles pour se réfugier dans des stations orbitales disséminées à travers l’espace où ils vont devoir organiser une résistance et lancer une contre-attaque pour libérer leur planète. Quand Newt et Hicks – accompagné de l’androïde fantassin Butler – parviennent à fuir Achéron, après un nouveau fiasco, leur vaisseau cargo bloqué en pilotage automatique se dirige vers une destination inconnue : une colonie militaire dirigée par le général Spears dont le projet consiste à reprendre la Terre aux envahisseurs à l’aide de troupes spéciales composées uniquement… d’Aliens.
Comme beaucoup de licences à succès, la franchise Alien s’est ramifiée en plusieurs branches : à force de se voir déclinée sur des médias différents et de se trouver ainsi confiée à des auteurs différents, des incohérences – voire des contradictions – apparurent qui rendirent bientôt certains récits incompatibles avec d’autres se déroulant pourtant dans le même univers. C’est un syndrome bien connu des lecteurs de comics, et surtout ceux touchant les super-héros. Ce qui est plus inhabituel dans le cas qui nous occupe ici, c’est que c’est le cinéma – pourtant à l’origine de cette franchise – qui a provoqué la séparation en deux continuités différentes.
Quand James Cameron réalisa Aliens, le Retour, la suite – à l’époque inattendue – d’Alien, le huitième Passager, le film de Ridley Scott, son choix d’orienter cette franchise vers l’action en surprit plus d’un mais, surtout, ouvrit la licence Alien à d’autres secteurs et médias dont l’audience était friande de spectaculaire, et de préférence musclé. Les comics font partie de ceux-là – ce qui n’est en aucun cas un jugement de valeur – de sorte que les adaptations de la franchise Alien chez Dark Horse Comics emboitèrent plus le pas à la version de Cameron qu’à celle de Scott. Encore qu’il s’agit plus de séquelles que d’adaptations au sens strict du terme, et sous bien des aspects des séquelles beaucoup plus intéressantes que celles dont nous a gratifié Hollywood.
Je vais être le plus clair possible : pour moi, il n’existe que deux films méritant le titre Alien, ceux que j’ai déjà cité ici ; les autres ne sont que des pâles copies, au mieux, ou bien des parodies involontaires, au pire, de ceux-là. Le troisième de la série ne fait que déplacer dans un contexte de colonie pénitentiaire la même intrigue que le tout premier, alors que le quatrième tente plus ou moins désespérément de relancer le mythe sans parvenir à éviter les écueils – pourtant bien visibles dans ce cas précis – du ridicule ; et bien entendu aucun d’eux ne parvient à rajouter quoi que ce soit de réellement nouveau à la licence – au contraire de la très recommandable suite de Cameron déjà évoquée…
Bref, si, comme moi, vous êtes friand de cette franchise, il ne vous reste plus qu’une solution : vous pencher sur les séquelles échafaudées par les artistes plus que compétents de Dark Horse Comics (1) ; séquelles qui, pour en revenir au problème de continuité que j’évoquais à la fin du premier paragraphe de ce billet, constituent maintenant une réalité alternative de l’univers d’Alien – alors qu’elle mériterait largement d’en être la réalité principale quand on voit quelles qualités de narration elle propose…
Bien sûr, l’édition française de cette série de comics est évidemment incomplète – le contraire serait trop beau – et ce premier tome chroniqué ici est en réalité le second chapitre de l’ensemble : ceux d’entre vous qui souhaitent savoir ce qui est advenu avant, et qui a été très brièvement résumé dans la présentation en italique qui débute cette chronique, se pencheront sur la novélisation officielle du premier chapitre du comics, Aliens, la Ruche terrestre de Steve Perry (J’AI LU, coll. Science-Fiction n°4063, ISBN : 2-277-24063-X) tout en gardant à l’esprit que, suite à la sortie d’Alien 3 en 1992, les noms de deux de ses principaux protagonistes ont été changés (2).
Nous retrouvons donc Newt et Hicks de retour d’Achéron où une expédition de collecte de spécimens de xénomorphes a mal tourné, à bord d’un vaisseau cargo dont le pilote automatique ne peut être reprogrammé, et accompagnés d’un androïde de combat d’élite, Butler (3), très salement endommagé par les combats sur LV-426. Leurs compagnons d’arme décimés, perdus au milieu de nulle part, en route vers une destination inconnue, tout juste informés que la Terre est sous le contrôle des Aliens, et chargés – bien malgré eux – d’une cargaison toute aussi mystérieuse, leur moral n’est pas au beau fixe… On les comprend.
Ce qui frappe dès la première image est la splendide maîtrise artistique de Denis Beauvais : sa retranscription de l’atmosphère d’Alien est si fidèle aux films qu’on a presque l’impression de se trouver dans une salle de cinéma, en train de voir la seule suite possible à la séquelle de James Cameron. Puis on tombe sur les mots de Mark Verheiden et dès lors la magie ne nous laisse plus aucun répit… On y est. Enfin. En train d’apprendre, page après page, ce qui est vraiment arrivé (4) à ces survivants du Sulaco (5).
Si vous ne serez pas déçus du voyage, croyez-moi sur parole, il faudra néanmoins attendre le tome suivant pour voir les événements prendre une tournure réellement excitante : ce premier volume sert avant tout à poser les pions d’un échiquier qui ne brille pas par son ampleur mais par son imagination, par sa capacité à étendre l’univers d’Alien d’une manière jamais vue – à l’époque comme aujourd’hui.
C’est vrai, enfin : la Terre envahie par les Aliens, vous y auriez pensé, vous ?
(1) je ne compte pas les adaptations en jeux vidéo – du moins les plus connues d’entre elles – car je ne vois pas ce que les Predators viennent faire chez Alien, quelles que soient les élucubrations qu’ont échafaudé les fans de cette autre licence suite à un détail du décor du second film de cette série – détail qui sentait bon le clin d’œil mais que bien trop de gens ont pris au pied de la lettre en en faisant une telle histoire que les marketeux n’ont bien sûr pas pu louper un tel coche…
(2) cette novélisation fut publiée dans le cadre de la campagne promotionnelle d’Alien 3 mais puisque Newt et Hicks décédaient dans les premières minutes de ce film, il était impossible de voir ces personnages figurer dans ce roman : leurs noms ont donc été changés, respectivement en Billie et Wilks ; à noter que la version française du comics dont il est question ici ne retient pas ces changements, contrairement à sa réédition américaine en omnibus.
(3) alias Bueller dans la novélisation.
(4) Alien 3 n’existe pas : c’est un mythe inventé par les marketeux pour nous soutirer du pognon, et le pire c’est que ça a marché ; la preuve : ils en ont fait un quatrième encore plus naze…
(5) le vaisseau des marines coloniaux dans Aliens, le Retour.
Note :
Bien que cette série soit actuellement épuisée, dans sa version française comme dans sa version originale américaine, les fans anglophones pourront se pencher avec bonheur sur sa récente réédition en six volumes omnibus parus chez Dark Horse Comics entre 2007 et 2009.