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Olivier

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Bifrost 41

Olivier Girard


Bifrost 41

La critique du livre
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Les quelques mots de la couverture furent tout d'abord fort alléchants : Christopher PRIEST nous fait la totale !
Rien de moins qu'une nouvelle inédite en français, une longue itw par Thomas DAY et une bibliographie complète et exhaustive par l'infatigable Alain SPRAUEL.
Le numéro s'ouvre donc sur la nouvelle inédite de PRIEST : "Haruspex", qui risque de surprendre plus d'un priestien averti. Loin de ses subtiles interrogations sur la réalité auxquelles il nous avait habitué au fil de ses romans, il nous livre ici un texte que l'on pourrait situer au carrefour de la SF et du fantastique, pas très loin de LOVECRAFT, où l'on apprend que les mystérieuses boulettes que se fait livrer un homme reclus dans son manoir nous en apprendrons à la fois sur lui et surtout sur le monde. PRIEST est un nouvelliste rare, ce qui est bien dommage, et même si ce texte est loin de valoir ses meilleurs romans, il n'en reste pas moins une très bonne lecture, que tout priestien averti ne saurait manquer. La seconde nouvelle offre une tribune à un auteur dont nous risquons de beaucoup parler : Ted CHIANG. Multiprimé et peu prolixe, il livre ses nouvelles au compte-goutte, comme autant de précieux joyaux. "L'enfer, quand Dieu n'est pas présent" est un texte que l'on rangerait, faute de mieux, dans le fantastique de haute volée, si l'on en juge par son doublé Hugo et Nebula 2002. Il s'agit de la quête mystique d'un homme, dont la femme a perdu la vie dans un accident provoqué par l'apparition d'un ange. En effet, chez CHIANG, les anges apparaissent et disparaissent, sans vraiment se soucier des hommes, plutôt décontenancés par ce mystère, et qui semblent se réduire à prévoir et traquer les apparitions des créatures ailées. Relevé d'une délicieuse petite pointe d'humour noir, ce texte étrange met l'eau à la bouche, en attendant la prochaine publication du recueil de CHIANG prévu d'ici peu chez Denoël Lunes d'encre. On ne peut donc que partager l'enthousiasme débordant de Gilles DUMAY à l'égard de l'auteur.
Le cahier critique témoigne comme toujours de l'exigence de Bifrost, de sa franchise et de sa passion à défendre ou fustiger ce qui se publie. Si l'on ne peut que partager l'enthousiasme de Claude ECKEN pour le dernier Catherine DUFOUR ou pour STURGEON, les radixophiles ne manqueront pas de s'étrangler en lisant la critique de Thomas DAY. Même chose pour les BD, où sans surprise, le dernier album d'Astérix, consternante variation sur les ET, se fait fort justement démolir. Quoi qu'il en soit, et c'est assez rare pour être souligné, le panier de Bifrost est plein à craquer, ce qui est plutôt bon signe sur la qualité éditoriale des quelques mois passés.
Vient ensuite le gros morceau, le succulent plat de résistance, la longue et passionnante itw de Christopher PRIEST, sa vie et son oeuvre, par Thomas DAY. Sans surprise, PRIEST s'y révèle être un homme affable, sympathique et non dénué d'humour. L'on y apprend entre autre qu'il a écrit plusieurs romans pornographiques, avant de vraiment trouver sa voie avec "La fontaine pétrifiante". Il se révèle aussi assez prolixe sur l'époque New worlds, quand MOORCOCK et ses acolytes avaient entrepris de révolutionner la sf, ou qu'il n'apprécie que peu Harlan ELLISON. PRIEST nous y parle aussi de ses goûts littéraires ou cinématographique, de la genèse de plusieurs de ses oeuvres, en particulier sur la singulière dimension autobiographique de certains de ses romans.
Toujours franche et jamais condescendante, Thomas DAY sait interviewer un auteur qu'il admire et défend, le pousser à se livrer à un lecteur qui ne peut que se régaler.
Puis vient Xavier MAUMEJEAN, qui nous livre une passionnante chronique sur la SF anglaise, et en particulier l'anticipation, abordant aussi bien ORWELL et BALLARD que McLEOD, prouvant par là qu'en plus d'être l'une des plumes les plus brillantes de la sf francophone contemporaine, il est un homme de goût et un connaisseur, qui sait remarquablement faire partager sa passion, à l'instar de l'excellent Roland LEHOUCQ. Le chroniqueur scientifique de Bifrost, connaisseur averti de la sf, s'intéresse à notre présent et à notre futur proche et beaucoup plus lointain, en nous parlant d'énèrgie, allant de l'épuisement du pétrole à la mort du soleil en passant par le voyage interstellaire.
Puis vient la chronique annuelle admirée, décriée, subjective, bête et méchante : les razzies. Qu'en dire ? Tout simplement qu'il s'agit là de quelque chose de profondément salutaire, à la subjectivité profondément assumée et revendiquée : qui aime bien châtie bien, et comme chacun le sait, l'amour est subjectif, comme l'est donc le choix des livres ici primés.

Ce Bifrsot est tout simplement un excellent numéro, que tout priestien averti se doit d'acquérir promptement, mais qui n'en met pas moins l'eau à la bouche pour Ted CHIANG. Saluons encore une fois la qualité de l'article de Roland LEHOUCQ, que toute personne soucieuse de l'avenir de la planète ne saurait manquer de lire. Vivement le prochain Bifrost !




"Pendant que je faisais disparaître avec application le contenu de mon assiette, le pouvoir maléfique s'enflait en moi. Je m'efforçais de me distraire grâce à des procédés mnémoniques enfantins — berceuses, chansons apprises à l'école — en une vaine tentative pour retarder la confrontation imminente. Comme si j'avais pu échapper à la conscience de ce que je glissais dans ma bouche et à la malignité croissante qui prenait forme lors de mes repas. Les démons du monde inférieur se réveillaient, prêts au combat, je le sentais aussi infailliblement que je savourais le croquant caoutchouteux des boulettes et les immondes saveurs de mort dégagées avec leurs sucs.
Pourtant, je tirais un certain réconfort de ce déjeuner grotesque, par la conscience transcendante que mes actes inversaient le cours du temps, éloignaient le mal et tenaient en respect les habitants de la fosse. A l'échelle colossale de l'immense univers de mort, le répit était d'une brièveté saisissante, mais il suffisait, il suffisait, je ne pouvais faire davantage.
Seul, haruspex opposé au mal." - Christopher Priest, "Haruspex"


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