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Feuilleton-phare de l’hebdomadaire Eagle dès le tout premier numéro du magazine en avril 1950, Dan Dare, Pilote du futur devint vite une référence du genre. Créée, scénarisée et dessinée par Frank Hampson (1918-1985), qui lui consacra tant d’énergie que sa santé en souffrit à deux reprises, cette œuvre s’affirmait par ses illustrations de très grande qualité, ses intrigues à la fois longues et complexes qui s’étendaient parfois sur plus d’un an de parution, et l’attention que prêtait son auteur à la plausibilité techno-scientifique du récit – Arthur C. Clarke (1917-2008) travailla d’ailleurs sur la première aventure de Dan Dare. Héritière des pulps sous bien des aspects, cette série laissait néanmoins une place abondante à l’action, au suspense, à l’humour et aux effets spéciaux…
Ainsi, il apparaît assez vite que Dan Dare reste avant tout une œuvre simple pour un lectorat adolescent et de préférence masculin. Mérite d’ailleurs d’être rappelé que le magazine Eagle où ce feuilleton fit ses débuts fut fondé par un prêtre anglican qui souhaitait créer une publication pour la jeunesse incarnant les valeurs chrétiennes. Voilà pourquoi, en dépit de leur complexité apparente, les aventures de Dan Dare restent en fin de compte assez sommaires dans leurs idées. Il faut dire aussi qu’avec son personnage principal tout à la fois jeune, beau, fort, intelligent, intègre et célibataire endurci, un lecteur adulte peut difficilement prendre ce strip au sérieux pour commencer…
Ce qui n’étonne guère après tout. À y regarder de près, la science-fiction littéraire de l’époque elle-même se montrait assez peu convaincante en dehors de ses éléments techno-scientifiques puisqu'il fallut attendre la New Wave pour voir arriver des récits satisfaisants sur les aspects purement humains ; aussi, avec ses monstres de l’espace ou de l’océan, ses extraterrestres bigarrés, ses guerres spatiales contre Venus, et notamment les Treens menés par le Mekon, mais aussi ses protagonistes bâtis comme des super-héros et qui s’en sortaient toujours par leur courage et leur sang-froid autant que par leur force et leur adresse, Dan Dare semblait bien souvent en retard de dix ans au bas mot.
Pour autant, il ne faut pas croire que ses racines pulps disqualifient Dan Dare. Bien au contraire. C’est précisément l’aspect rétro de cette œuvre qui la rend indispensable, et en particulier celui de sa partie graphique. Car ici les navires spatiaux arborent toutes les formes extravagantes et les couleurs vives d’antan, les scaphandres collent à la peau en laissant saillir les muscles, les monstres sont gigantesques, les inventions toujours révolutionnaires, les départs des héros vers le fin fond de l’espace forcément une aventure et leurs retours prétextes à une liesse populaire générale. À vrai dire, Dan Dare est un pur bonheur de fan de science-fiction – ou du moins de fan nostalgique d’une certaine époque du genre.
Pour cette raison, vous auriez tort de passer à côté : ouvrir une aventure de Dan Dare, c’est plonger avec délice dans un de ces plaisirs d’autrefois sur lequel le temps n’a plus aucune prise – ce qu’on appelle un classique.
Adaptations :
En feuilletons radiophoniques : sur Radio Luxembourg, pendant cinq ans à partir de juillet 1951, et sur BBC RAdio 4 d’avril à mai 1990 pour quatre épisodes reprenant la partie Voyage to Venus (1950-1951) de la série.
En jeux vidéo, sous le titre de Dan Dare: Pilot of the Future, sorti en 1986 chez Electronic Arts ; ce titre connut deux séquelles : Dan Dare II: The Mekon’s Revenge (1988) et Dan Dare III: The Escape (1990).
En série TV d’animation, sous le titre de Dan Dare: Pilot of the Future, produite en 2002 d’abord par Netter Digital puis par Foundation Imaging, en 26 épisodes de 22 minutes. Cette série eut sa propre adaptation en comics.
Un long-métrage pour le cinéma a été annoncé en juillet 2010 comme étant en préparation chez la Warner, avec Sam Worthington dans le rôle principal.
Notes :
Frank Hampson dessina Dan Dare jusqu’en 1959, mais des désaccords avec Eagle le firent abandonner cette série ; d’autres artistes prirent sa suite jusqu’en 1967 où elle s’arrêta. Elle reprit du service dans 2000 AD en 1977, puis dans Eagle nouvelle série en 1982. Revolver accueillit en 1990, une série intitulée Dare qui se voulait une satire de l’Angleterre thatcherienne, et The Planet proposa dans son unique numéro, en 1996, un récit inachevé de Dan Dare que dessina Sydney Jordan. Enfin, Virgin Comics publia en 2008 une série courte en sept numéros par Garth Ennis et Gary Erskine : la Flotte Spatiale s’est effondrée suite à une guerre nucléaire entre les États-Unis et la Chine, et les défenses de la planète ont été vendues au Mekon par l’Angleterre ; Dan Dare se bat pour défendre la Terre autant que ses valeurs personnelles.
Le succès et la popularité de Dan Dare se mesurent aussi aux œuvres qu’il a influencé. On peut citer entre autres le personnage de Roy Risk apparu au cours des années 80 dans le comics Captain Britain (1976) de Marvel Comics, mais on peut aussi évoquer le travail de Warren Ellis qui a déclaré dans la postface de sa mini-série Ministry of Space (2001-2004) que Dan Dare fut une importante inspiration pour la création de cette histoire et de son univers.
Plusieurs chanteurs et groupes célèbres, tels que Syd Barrett (1946-2006) et David Bowie, rendirent hommage à Dan Dare dans les paroles d’un de leurs morceaux. Elton John, par contre, lui consacra une chanson complète, Dan Dare (Pilot Of The Future), dans son album Rock Of The Westies (1975).