Demain, une oasis occupe une belle place dans cette liste en fin de compte assez sommaire. Parce qu’il montre ce que nous savons tous mais n’osons pas regarder en face : cette misère que nous avons laissé se répandre jadis et qui pourrait bien cesser d’exister pour peu qu’on fasse l’effort d’y consacrer le temps et l’énergie qu’elle mérite au lieu de nous perdre dans les promesses stériles de la société de (sur)consommation et dans les lubies obsessionnelles du divertissement sans fin. Mais encore faudrait-il pour ça arrêter de contempler notre nombril en voulant à tous prix préserver des acquis sociaux aux bien nets relents d’égoïsme.
Car cette Afrique qu’
Ayerdhal
dépeint ici n’est au final que le reflet de notre indifférence, de notre cécité forcenée envers ce continent que nous avons colonisé pendant des siècles avant de l’abandonner aux mains de dictateurs de mèche avec nos gouvernements véreux pour pouvoir mieux continuer à l’exploiter. Ce qui bouleverse dans ce roman, en fait, c’est moins la description de cette misère que celle de l’utopie – faute d’un meilleur terme – que nous tentons de bâtir sur un continent de cadavres. Et avec celle-ci la condamnation sans appel d’un comportement pour le moins criminel : ne rien faire, après tout, c’est déjà laisser faire.Tant et si bien, d’ailleurs, que l’Afrique, en tous cas celle du nord, a fini par prendre les choses en main, ce dont la toute récente actualité a pu témoigner. Comme quoi, il ne faut jamais sous-estimer ce potentiel qu’ont les êtres humains à se révolter contre l’injustice, contre la misère, contre l’horreur. Fallait-il laisser faire pendant si longtemps pour que se réveille enfin cette boulimie de libre-arbitre que rien ne semble pouvoir arrêter ? Peut-être bien, et toute intolérable que soit cette pensée…
Reste l’Afrique dite « Noire » : pour celle-ci, ce livre demeure encore d’une actualité à l’arrière-goût de sang. Voilà pourquoi Demain, une oasis mérite toujours sa place sur cette étagère bien particulière de ma bibliothèque mais aussi, je crois bien, de la vôtre.