Charlie Gordon est un attardé mental, dont le QI culmine à 70. Autrement dit, c’est un neuneu. Il travaille dans une boulangerie, où il s’occupe des livraisons et d’autres menus travaux. Il est heureux ainsi.
Des scientifiques, travaillant pour une mystérieuse fondation, ont trouvé une substance capable de décupler l’intelligence. Ils l’ont essayé avec succès sur une souris, Algernon. Ils veulent maintenant tenter l’expérience sur un être humain attardé, afin de le faire accéder à une intelligence normale. Ce qui ouvrirait des perspectives énormes pour l’évolution de l’humanité.
Ils injectent donc cette substance à Charlie, en lui demandant de faire un compte-rendu quotidien, afin de voir à quelle vitesse son intelligence se décuplera.
Ces comptes-rendus seront la matière exclusive du roman.
Au départ, ils sont truffés de fautes de toutes sortes : orthographe, grammaire, conjugaison, ponctuation… Il faut donc en faire une lecture phonétique, car Charlie semble plutôt tenter de transcrire des sons dans un écrit qu’il pratique à grand peine.
Puis le style s’améliore, les fautes disparaissent.
Charlie devient intelligent.
La destinée est cependant cruelle, car son intelligence lui permet de se rendre compte de nombreuses choses, à commencer par les humiliations qu’on lui a fait subir sans qu’il ait eu l’intelligence nécessaire pour s’en rendre compte. Sans parler des souvenirs douloureux de son enfance, qui remontent à la surface.
Puis de l’intelligence, Charlie passe au génie. Polyglotte, il s’imbibe de connaissances, devenant un véritable rat de bibliothèque, qui dévore goulument tout ce qui lui tombe sous la main. Il en vient à s’intéresser aux recherches dont il est le sujet, et veut permettre à tout le monde d’avoir accès à son traitement, pour que plus personne ne subisse ce qu’il a enduré. Il se lance donc à corps perdu dans la recherche scientifique.
Puis Algernon a un comportement étrange, incompréhensible. Jusqu’à ce qu’elle meure. Dès lors, Charlie comprend tout : son intelligence n’est que provisoire, et elle va décliner inexorablement. Ce qui va se sentir dans les comptes-rendus, jusqu’à la fin.
Difficile, vraiment difficile de ne pas finir ce livre en larmes, mais pourtant…
Pourtant, il pose de nombreuses questions, tant sur les personnages que sur un plan philosophique.
Une comparaison intéressante peut être faite entre ce traitement sensible et le traitement cérébral que fait Ted Chiang de cette même problématique dans Comprends.
SPOILER (qui ne traite pas de Ted Chiang)
On peut s’interroger sur la motivation des savants de passer si rapidement aux tests sur un cobaye humain, alors qu’ils ne semblent pas connaître l’issue du traitement. Du moins l’affirment-ils.
Certes, mais n’ont –ils pas sacrifié Charlie, en dopant son intelligence afin qu’il fasse sensiblement avancer la recherche, en l’immolant sur l’autel de la science ?
Quant à l’interrogation philosophique, elle rejoint les interrogations d’Epicure sur le bonheur et la mort.
Il considérait que le suicide était parfaitement légitime, dès lors que l’on avait atteint le summum du bonheur, puisque la vie ne serait que déception par la suite.
Et c’est bien là la double interrogation du livre :
1 - qu’est-ce que le bonheur : l’intelligence ?
2 – peut-on porter un jugement moral sur choix de Charlie, qui est celui du suicide, parce qu’il refuse de voir son intelligence régresser ? Bouleversés que nous sommes par son suicide (ah, cette fameuse phrase finale !), ne sommes-nous finalement pas égoïstes, par la tristesse que nous inspire la fin qu’il s’est choisie, et qu’il estime donc être le meilleur choix ?