FICTION n° 4 (automne 2006)
Editions les moutons électriques
Commençons par signaler la qualité du livre qui est proche de l’œuvre d’art, n’ayons pas peur d’employer les grands mots. Quand on feuillette un bouquin comme celui-ci, on a envie de le lire plutôt deux fois qu’une. Cette anthologie qui a pour thématique la BD comprend 13 nouvelles (dont 8 d’auteurs américains), des articles, un entretien et des portfolio.
Nouvelles
Les golems de Détroit : Alex Irvine (USA)
Aux Etats-Unis, dans l’usine de la Frankenline, une vingtaine d’employés travaillent à la chaîne pour fabriquer des golems destinés d’une part au sol américain et d’autre part en Europe. Bien entendu, ils ignorent dans quel but…
Cette mise en bouche est sympathique et touchante. On lui reprochera tout au plus son manque d’originalité.
Adagio pour un reflet : Frédéric Jaccaud (Suisse)
Un homme se prend pour le Silver Surfer et martèle qu’il a un corps cosmique argenté. Il souffre à première vue d’une crise d’identité. Des proches tentent de lui rendre la raison…
Excellente surprise. On se laisse emporter par les divagations de cet individu. Est-ce un fou ? Un schizophrène ?
Un nom à retenir.
Le dernier de la file : Esther Friesner (USA)
Une trentaine de serviteurs vont être sacrifiés lors des funérailles du roi Gilgamesh. Au bout de la file, un esclave se rebelle…
L’auteur tisse une histoire drôle et émouvante ayant pour cadre l’au-delà.
Miss Carstairs et le triton: Delia Sherman (USA)
Miss Carstairs a hérité de la passion qu’avait son père pour la vie aquatique. Elle se consacre à l’étude des diverses espèces. Un jour, une étrange créature s’échoue sur le rivage de l’océan, encore vivante. Elle l’examine et tente d’établir un contact…
On ne peut pas dire que c’est mal écrit, ça se lit même bien. En revanche, sur le fond, il n’y a pas grand-chose à en tirer. A mon avis, l’auteur aurait du approfondir sa réflexion sur le langage. Dommage.
Les peluches : Laurent Herrou (France)
Les souvenirs liés aux peluches.
A mes yeux, aucun intérêt. On était en droit d’en attendre plus de la part d’un écrivain qui a déjà publié deux romans.
L’Homme non latéral : Martin Gardner (USA)
La société Moebius rassemble une poignée de mathématiciens spécialisés en topologie. Ils organisent chaque année un banquet au cours duquel un chercheur fait un exposé. Cette année, c’est le professeur polonais Slapenarski qui s’y colle. Il affirme que l’on peut construire une surface non latérale. Les membres croient qu’il s’agit d’une mauvaise blague. Peut-être, oui. Mais après tout, qui sait ?
Une nouvelle brillante, un zeste d’humour, on en redemande.
Terre promise : Steven Utley (USA)
Un paléontologue est sur le point de mourir. Il est agressif et replier sur lui-même. Ses proches vont lui faire une dernière surprise…
Cette nouvelle sur un être en fin de vie est très émouvante. Lorsque l'individu se sent inutile et qu'il est ou croit être un fardeau pour l'équipe médicale et sa famille, celui-ci préfère se laisser mourir soit en refusant de se nourrir ou/et de prendre ses médicaments.
La veillée d’astre : James Stoddard (USA)
Edwin, fils d’un paysan, rêve de devenir astronome, ce qui attriste profondément son père qui espérait que sa progéniture prenne le flambeau. Le fils part à l’observatoire du Grand Astronome assouvir sa soif d’évasion…
Cette nouvelle attachante évoque la contradiction entre le métier envisagé par les fils et celui que leur père respectif aurait aimé qu’ils fassent.
Je m’arrête là pour les nouvelles. Manque à l’appel David Calvo, Xavier Maumejean, Poul Anderson, Rhys Hughes et Jeffrey Ford.
Plus un essai de Thierry Smolderen sur Moebius à dévorer, un article de Laurent Queyssi sur Métal Hurlant, un entretien avec le créateur de Narnia (C.S. Lewis), des portfolio des dessinateurs Rubino, Ashley Wood ou encore Alexis Segarra.
Conclusion
Ce tome 4 tient toutes ses promesses. Les nouvelles sont variées et de qualité. Fiction est en passe de devenir une très grande revue française. Il faut bien mettre quelques petits bémols. Toujours quelques coquilles (cf rubrique nos auteurs n’a clairement pas été relue), on notera aussi une grossière erreur concernant Alex Irvine pour lequel il est indiqué que son roman a scattering of jades n’est pas sorti en France, or il est paru sous le titre le soleil du nouveau monde chez Fleuve noir. C’est dit.
Il ne nous reste plus qu’à attendre patiemment le prochain numéro.