J'avais devant moi un projet séduisant (digne du Drabble Project) : recueil de (short)short-stories, une liste d'auteurs à faire palir n'importe quel sommaire de magazine, une parution hors du ghetto du genre dans un périodique éminement respectable, des reprises nombreuses en Year's Best et une critique favorable.
Malgré le fait que j'ai mis un point d'honneur à savourer l'ouvrage par petites touches, je dois dire que je ressors plutôt déçue de cette expérience.
On sait que le genre de la short-short est un exercice souvent périlleux, et celà se vérifie encore cette fois. Il est vrai que tout le monde n'est pas Fredric Brown mais force est de reconnaitre que l'ensemble n'est pas à la hauteur de sa réputation.
Premier point, une nette différence de qualité entre les écrivains de SF 'professionnels' et les rédacteurs de Nature. On ne s'improvise pas auteur de nouvelles de SF comme cela et la participation des seconds est une erreur manifeste (une obligation pour faire passer le projet en interne ?) qui a tendance à plomber le recueil. Les scientifiques qui ont écrit des nouvelles sont surement des gens très compétents dans leurs domaines respectifs mais se rèvelent être de piètres conteurs, leurs textes n'étant généralement que des simples synopsis ou des tranches de vie sans grand intérêt dramatique.
Pour les auteurs établis de SF, le moins que l'on puisse dire est que leurs textes ne sont pas forcément très inspirés, avec un pourcentage de déchets important (Egan par exemple).
Seules quelques tentatives humoristiques ou "à chute" (Bayley, Stross, Doctorow) arrivent à surnager du lot.
Deuxième point, pour quelqu'un comme moi qui a une certaine familiarité avec ce qui se fait sur format court (par la lecture des principaux magazines), j'ai été frappée par le peu d'originalité de l'ensemble.
Rares ont été les textes qui n'ont pas évoqué en moi un net sentiment de "déjà-vu". Par exemple le Stross avec son Nigerian scam via SETI m'a fait penser à un autre texte où le SETI n'arrive qu'à capter du spam ou de la publicité. Idem pour un futur islamique, la sécu privatisée ou le vaisseau FTL qui double le slowboat relativiste (c'est un concept aussi vieux que Van Vogt).
Troisième point, la presentation des nouvelles par strict ordre alphabétique de nom d'auteur a sans doute empêché
Gee
de "construire" son anthologie alors que c'est pourtant une parti essentielle du travail et qu'un construction bien faite peut donner un certain relief attractif à un ensemble de textes de niveau disparate.Globalement, un recueil décevant et qui n'apporte rien de nouveau, ni dans sa forme, ni dans son exécution.
Pour être plus claire, on pourra comparer cet ensemble de textes avec les "probability zero" qui paraissent dans Analog. Des textes de même format et de même finalité mais qui, sans être des chefs-d'oeuvres, sont nettement plus amusant/intriguants à lire.
Pour ceux qui veulent économiser des sous en n'achetant que les meilleurs textes (une dizaine) :
(Eos, 2006, couverture anonyme)
Et aussi une paire dans le #6 et le #12 de la même série.
Pour ceux qui veulent des short-shorts historiques de qualité :
(Collier, 1969, couverture anonyme)