Ellison
à la fin des années 50 et au début des années 60. Mis à la porte de l’université pour Dieu sait quelles raisons il exerce à New York divers petits métiers et se met à écrire comme un fou bien décidé comme Robert Silverberg à vivre de sa plume. Gentleman Junkie est un point de bascule, celui où la vocation d’écrivain a pris le pas sur l’antimatière : un mariage raté, l’endettement, les nuits sans fin.Sex, drug and (rock and roll) jazz. Même si l’auteur n’a pas entièrement succombé selon ses dires à la sainte trinité de la beat generation, les histoires d’
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racontent tout cela. La science-fiction ne figure pas ici au menu, et l’ensemble dresse le panorama d’une Amérique violente, raciste, déboussolée. C’est loin d’être son meilleur ouvrage. Mais même si le fond pèche par manque de consistance, le style emporte l’adhésion. Qui pourrait démarrer par une entame comme celle-ci :« Sans forme, créature au cœur battant faite uniquement de sensibilité et d'instinct, j'avais traversé ma vie à la nage dans une mer aussi noire que les motivations m'ayant animé... La logique, la raison, étouffées dès ma naissance, ont joué un rôle vraiment infinitésimal dans mes actes, et je ne peux même pas dire qu'elles m’ont permis de quitter le port avec la bonne marée. Ballotté, à la dérive. Et une fois ou deux je me suis même collé à une autre entité dans cet océan sans lumière, je lui ai sucé tout ce qu'elle avait et suis reparti flotter ailleurs. Si je savais, si j'avais la moindre idée du pourquoi — pourquoi je fais ce que je fais pourquoi un homme moi (et Dieu sait que je suis loin d'être idiot) ne peut trouver ni boussole ni morale — cela me sauverait peut-être de demain. A partir de ce soir, il vaut mieux que je reste tranquille. Mais ce soir a commencé il y a trois jours, et demain est aussi inévitable que la façon dont tout a démarré. »
Qu’extraire ? L’introduction qui détaille les premières lignes de cette fiche, « La vérité », incursion dans le monde du jazz, « Daniel Blanc pour la bonne cause », sacrée histoire de bouc-émissaire dans la lignée de « Ceux qui partent d’Omélas » d’Ursula Le Guin ou de « La loterie » de Shirley Jackson mais dont l’intensité évoque le film Dans la chaleur de la nuit. Le sexisme fait son apparition dans la touchante nouvelle « Il y en a une dans chaque campus ». Il y a un peu de Jack Barron et l’éternité et Good morning Vietnam dans le réussi « Jacky à l’antenne, bonsoir », numéro d’équilibriste d’un animateur radio qui tourne mal. « Entre le fanatique, à l’avant-scène » aurait mérité un traitement plus long. C’est ce qu’a réalisé sur un thème similaire Stephen King avec La tempête du siècle. « Plus de quatrième commandement » est un mauvais titre, VO incluse. « Honore ton père et ta mère » aurait été plus simple. Il y a des conflits familiaux dont on ne se débarrasse jamais, même après la mort de leurs acteurs.
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est un des auteurs qui parle le mieux de l’enfance comme en témoignait ailleurs « Toute une vie, dont une enfance pauvre » dans l'anthologie La frontière Avenir de Henry-Luc Planchat.Il se murmure chez l’éditeur Le Bélial’ qu’un Dangerous Visions pourrait être mis en chantier à une échéance non définie. Tant mieux. Sans
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, on s’ennuie dans le Landerneau littéraire.SOMMAIRE
- La Chute (Final Shtick, 1960)
- Gentleman Junkie (Gentleman Junkie, 1961)
- On peut dire un petit mot ? (4 déclarations de la Génération Baillonnée) (May We Also Speak?, 1961)
- Daniel Blanc pour la bonne cause (Daniel White for the Greater Good, 19617)
- Marquise... Marquise... (Lady Bug, Lady Bug, 1961)
- En prime avec ce paquet ! (Free With This Box!, 1958)
- Il y en a une dans chaque campus (There's One on Every Campus, 1959)
- Sur les cimes de l'aveuglement (At the Mountains of Blindness, 1961)
- Jacky à l'antenne, bonsoir (This is Jackie Spinning, 1959)
- Ce n'était pas un jeu pour les enfants (No Game for Children, 1959)
- Feu Arnie Draper le Grand (The Late, Great Arnie Draper, 1961
- High Dice (High Dice, 1961)
- Entre le fanatique, à l'avant-scène (Enter the Fanatic, Stage Center, 1961)
- A chacun selon sa faim (Someone is Hungrier, 1960),)
- Souvenir d'une trompette bouchée (Memory of a Muted Trumpet, 1960)
- Autoroute (Turnpike, 1961)
- Sally dans notre allée (Sally in Our Alley, 1959)
- Le Silence de l'infidélité (The Silence of Infidelity, 1957)
- Cool, mec ! (Have Coolth, 1959)
- B.P. 02 (RFD #2 [For Service Rendered], 1957)
- Plus de Quatrième Commandement (No Fourth Commandment [Wandering Killer], 1956)
- La Nuit des terreurs délicates (The Night of Delicate Terrors, 1961)