En Globalia, qu’on se le dise : on est heu-reux !
Tout le monde a ce qui lui est nécessaire pour une vie décente et tout le monde apprend grâce à la télévision ce qui lui est nécessaire.
Pour bien se prouver qu’on est heureux, on célèbre chaque jour une fête: celle de la pluie, celle d’un vaccin, celle des enfants (même si en Globalia, c’est excessivement mal vu d’être un enfant),…
En Globalia règne une démocratie qui se dit idéale. "Liberté, sécurité, prospérité", telle est la devise globalienne.
Seule ombre au tableau du bonheur, des attentats terroristes dont la télévision se fait régulièrement l’écho.
Or, "La sécurité, c’est la liberté. La sécurité, c’est la protection. La protection, c’est la surveillance. LA SURVEILLANCE, C’EST LA LIBERTE." Tout imprégné qu’il est de ce raisonnement, le globalien moyen ne voit pas d’inconvénient à ce que soit étroitement surveillée sa propre liberté permettant ainsi que, sous couvert de démocratie, soit de fait instaurée une souriante dictature.
Kate et Baïkal sont Globaliens. Ils ont vingt ans. Ils s’aiment. Baïkal est suffisamment lucide pour déceler l’hypocrisie de cette démocratie totalitaire qui gère sa vie. Persuadé que dans les non-zones, il est possible de respirer un souffle de liberté, il décide de s’y enfuir et entraîne celle qu’il aime dans sa fugue.
Le roman démarre à ce moment-là. Point n’est besoin d’en dire plus.
A sa sortie ce livre a provoqué un concert de louanges, jugez-en :
Télérama n°2821 – 1 page complète où l’on peut lire "A coup sûr le meilleur roman de Jean-Christophe
Rufin
"Le Point – "
Rufin
voit de façon géniale des tendances incontestablement à l’œuvre. Globalia n’est pas notre avenir, c’est notre présent".L’Express – "Avec Globalia, le prix Goncourt 2001 prend tous les risques. Et remporte la mise."
Le Nouvel Observateur –"Difficile de résumer un tel livre tant il fourmille de trouvailles comiques, de péripéties, de références politiques et de pieds de nez en tout genre. Il y a fort à parier que cet ouvrage fera date."
Afin que ne règne pas la pensée unique, je fais retentir mon couac : Globalia n’est pas un mauvais roman, c’est juste un roman fade. Le style en est quelconque mais la lecture aisée. Le lecteur de SF va probablement le lire avec un sentiment permanent de déjà lu et d’eau tiède réinventée. Quant au lecteur non habitué à la SF, puisse t-il trouver à ce livre suffisamment d’intérêt pour avoir envie de découvrir notre littérature de prédilection !
Rendons justice à J.C.
Rufin
, on glanera dans son roman une ou deux idées nouvelles notamment une qui attribue la disparition des livres (absents - ou presque - dans le monde globalien) au désintérêt provoqué par leur trop grand nombre et leur médiocrité (:-]) mais pour le reste, que nenni, la SF a déjà exploré le terrain avec plus de brio etsurtout
entendons-nous bien :
il serait ridicule d’envisager, ne fût-ce qu’une microseconde, le début de l’ombre d’une tentative de parallèle entre la qualité littéraire et le niveau d’innovation d’une part, de ce chef d’œuvre incontesté qu’est le 1984 de George Orwell et d’autre part, du roman Globalia.
Il importe d’ avoir conscience du fait que leurs auteurs ne jouent pas dans la même cour. C’est tout. Je mets les points sur les "i" car le battage médiatique qui a entouré la sortie de Globalia, laissait planer un doute.
Je me permets maintenant de vous conseiller de consulter la notice d’information ci-dessous.
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AVIS AU MALADE DE LECTURE DESIREUX DE CONSOMMER GLOBALIA
Ce roman n’est pas un produit de la recherche et de l’innovation.
C’est un roman SF générique utilisant des principes actifs de SF déjà dans le domaine public. L’acheter ne contribue donc pas à financer le redressement de la caisse de curiosité sociale.
Afin d’améliorer l’état financier de la caisse de curiosité sociale, nous rappelons à tous les malades de littérature ce bel adage : Un roman générique, c’est pas automatique. Retrouvez le bon goût des idées authentiques.
Avant de commencer ce roman, lisez attentivement cette notice. Elle contient des informations importantes pour votre traitement. Nous vous conseillons de ne pas la jeter, vous pourriez avoir besoin de la relire.
IDENTIFICATION DU ROMAN
Composition
. Anti-Utopie………………………………………………… 0.002 Unités Huxley
. Surveillance du citoyen…………………………………… 0.005 Unités Orwell
. Abêtissement du citoyen………………………………….. 0.003 Unités Levin
. Mondialisation……………………………………………… 0.002 Unités Lehman
. Monde clos…………………………………………………..0.009 Unités Paquet
. Envie de sortir du monde clos……………………………..0.005 Unités Clarke
. Dôme en verre – éternel beau temps ……………………0.57 Unités Center Parc
. Bourrage de crâne télévisuel……………………… ……..0.0003 Unités Bradbury
. Eternelle jeunesse………………………………………. …0.02 Unités Werfel
. Non-zones/exclus/Tribus/Clans maffieux………………...0.004 Unités Bordage
. Etat de délabrement des non-zones.…. ………………...0.0005 Unités Gibson
. Méfiance non-zonards entre eux …………………………0.0002 Unités Spinrad
. Pollution ……………………………………………………..0.05 Unités Brunner
Excipients : histoire d’amour – amitié – colorant vert E 141 - Edulcorants - arômes artificiels qsp 512 pages
Présentation
512 pages 140 x 205 mm enrobées d’une jaquette.
Classe littérapeutique
Roman à visée dystopique
Nom de l’exploitant/fabricant
Gallimard
DANS QUELS CAS LIRE CE ROMAN ?
Globalia est indiqué dans les cas de curiosité et de volonté de réflexion sur l’avenir de notre société.
ATTENTION !
Dans quels cas ne pas lire Globalia ?
Globalia ne doit pas être lu dans les cas suivants : allergie au manque d’originalité, allergie à la platitude d’un style.
Mises en garde spéciales/risque d’interactions
Globalia ne doit pas être lu si vous avez au préalable suivi des traitements du type Lehman, Brunner, Orwell, Huxley, Bordage, Bradbury, etc… De tels traitements réduisent considérablement l’efficacité de Globalia.
En cas de doute, n’hésitez pas à consulter votre libraire ou votre forum.
SI VOUS ETES ENCEINTE
Comme pour la plupart des romans à caractère dystopique, ce livre peut entraîner une baisse d’optimisme, nous vous conseillons donc de consulter votre libraire.
COMMENT UTILISER CE ROMAN
Ce roman est destiné à l’adulte et à l’adolescent.
20 à 30 pages par prise à renouveler autant de fois qu’il vous paraîtra nécessaire. Le traitement peut s’interrompre à tout moment sans inconvénient. Un traitement prolongé est à proscrire.
Conduite à tenir en cas de surdosage: arrêtez immédiatement le traitement et consommez un Brunner.
La durée moyenne de traitement est d’ordinaire de 5 jours à une semaine. Si les troubles persistent, consultez votre libraire.
EFFETS NON SOUHAITES ET GENANTS
Tendance à l’apathie, baisse d’attention et tendance à l’endormissement sont fréquemment observées. Dans de rares cas cependant, une augmentation rapide de l’irritabilité a été signalée.
Si vous constatez d’autres effets non mentionnés dans cette notice, veuillez en informer votre forum SF.
CONSERVATION
Si vous souhaitez conserver ce livre, ne l’exposez pas à une température dépassant 451° Farenheit
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Dans un monde où sont bannies curiosité et initiative mais qui garantit le bonheur à tous, Copeau vient d’avoir un rapport sexuel particulièrement réussi avec Anna VF. Ne sachant comment lui exprimer la tendresse qu’il éprouve pour elle, il décide de lui offrir ses pensées et lui demande avec douceur :
"Ca t’amuserait de penser à quelque chose d’intéressant ?"
C’est dans Un bonheur insoutenable d’ Ira Levin, un roman écrit il y a plus de trente ans, une autre référence en matière de dystopie. Même si ce roman a peut-être un peu vieilli, il mérite largement d’être lu.
Menfin, c’est comme vous voulez. Nous sommes en démocratie.
zomver