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Ce qui plaît dans Gunman saute aux yeux dès les premières images : cette BD rend un hommage évident à ses productions compatriotes des années 70 et en particulier celles publiées dans les pages du hélas défunt magazine Métal Hurlant. On le constate à travers le style graphique, qui rappelle beaucoup celui de Jean « Mœbius » Giraud bien qu’on y reconnait aussi une influence, d’ailleurs clairement revendiquée au détour d’une case, de Katsuhiro Ôtomo. Mais on discerne également cette révérence au récit lui-même, sombre, violent et désabusé, ainsi qu’à l’univers qu’il dépeint, décadent, rouillé et à l’agonie. Gunman fonctionne comme une machine à voyager dans le temps qui nous ramène dans le passé l’espace de quelques dizaines de pages pour nous démontrer qu’antan n’est pas mort et qu’au contraire il continue à vivre à travers ceux qu’il a marqué…
Et ce qui déplaît dans Gunman, c’est précisément la même chose. Car en dehors du talent évident des auteurs, et quels que soient leurs efforts réels pour tenter de dépoussiérer les thèmes comme les images, il ne reste rien qu’on n’ait déjà vu quelque part. Toute la différence avec ce qu’on a connu jadis tient dans ce que tout ce qu’on voit ici souffre de 25 ans de retard à peu de chose près. Bien sûr, certains aspects se montrent un tantinet plus modernes, un peu plus dans l’air du temps, mais ils n’osent rien de plus que ce qui nous avait conquis il y a bien longtemps. L’image est comme figée, son esprit en quelque sorte disparu : la subversion s’abîme ici dans la contemplation d’un passé cliniquement mort, et qui réclame à grands cris qu’on le débranche ; on regrette que les auteurs n’aient pas entendu ces hurlements pourtant bien nets…
Si on apprécie l’intention de Gabriel Delmas et Yacine Elghorri, dont les capacités respectives ne font par ailleurs aucun doute, on regrette que leurs actes, ici, ne puissent se montrer à la hauteur. Il reste néanmoins un récit somme toute agréable, pimenté d’humour noir et de quelques courtes scènes d’action qui le rendent sympathique, mais dont la portée ne saura satisfaire ceux d’entre nous habitués à des choses plus contemporaines…