Saviez vous que vous êtes, je suis, nous sommes tous des DBDG ? Ca vous en bouche un coin, et pourtant…
Dans un futur pas trop lointain et relativement classique pour l’amateur de SF, l’humanité a essaimé dans la galaxie et rencontré de nombreuses espèces ET intelligentes, et bien sur une fédération galactique est née de la collaboration de ces peuples. Jusque là, pas de surprise, simplement chaque espèce doit être classifiée selon un système permettant de décrire le métabolisme, le nombre de membres, l’alimentation et les principaux caractères physiologiques afin de prévenir tout malentendu sémantique pouvant venir des approximations d’un ordinateur de traduction. Ainsi les DBDG terriens sont bien différents des FGLI pachydermiques de Traltha, des PVSJ Illensiens respirant du chlore, des indestructibles FROB hudlariens où des chenilles DBLF de Kelgia. Toute ressemblance avec le système de classification des ET’s de EE " Doc " Smith n’est certainement pas fortuite…
A la bordure de la galaxie, la fédération a entamé une œuvre titanesque : la construction du Secteur Général, gigantesque hôpital multi-environnements dont le but est de pouvoir accueillir toutes sortes de patients, quelle que soit la race et la pathologie, pour servir un but somme toute fort honorable : soigner et guérir. La diversité raciale des patients et du personnel soignant est une mine inépuisable de situations parfois burlesques, parfois tragiques dont James
White
use sans abuser pour nous conter sous forme de nouvelles relatives à chaque dossier médical ce qui constitue probablement les premières aventures de médecine-fiction.Le livre s’ouvre par l’achèvement de la construction de cet édifice titanesque, épisode pendant lequel, O’Mara, personnage cynique mais attachant aura à soigner bien malgré lui le premier patient de l’hôpital des étoiles. L’édifice enfin achevé, on pourra suivre les tribulations de Conway, jeune interne DBDG (qui doit forcement ressembler à Carter dans " urgences ") et de ses collègues ET’s, le Dr Prilicla, sorte de cigogne arachnoïde empathique au caractère si conciliant, le Diagnosticien chef Thornastor et ses coup de gueules homèriques ainsi qu’une palanquée d’infirmières kelgiennes au caractère atrabilaire.
Exotisme garanti :
A l’instar de Jack Vance, James
White
sait nous emmener dans des voyages étranges pour rencontrer des ET’s fabuleux, tous plus farfelus, excentriques, caractériels, attachants les uns que les autres ; par contre, pas besoin de traverser la galaxie, le voyage s’opère de la salle d’attente au corridor des urgences en passant par une caféteria multiraciale et un bureau des infirmières où quelle que soit la race de celles-ci, la préoccupation première reste finalement bien terrienne : le papotage et le ragot…Un hymne contre la xénophobie :
Mais cet exotisme débouche finalement sur une grande familiarité des personnages ; on se prend à s’attacher à ces ET’s aux idiosyncrasies bien singulières ; sans jamais jouer les donneurs de leçon de morale, l’auteur nous convainc de la grande noblesse de l’entreprise : soigner et guérir quelle que soit la race du patient, et au-delà de ce déballage folklorique d’espèces bizarres, un message parfois naïf, mais jamais suranné : ce sont nos différences qui nous enrichissent.
Les cinq dernières minutes :
Toutefois, jamais James
White
ne verse dans le message philosophique, au contraire, il prend un malin plaisir à maltraiter avec cynisme et humour ses personnages et transformer chaque traitement pathologique en enquête quasi policière où le toubib devra faire preuve de flair pour sauver son patient. Ce découpage en quasi-nouvelles aux chutes bien tournées donne un rythme de lecture qui empêche tout simplement le lecteur de refermer le livre.Personnellement, c’est un livre que j’ai lu la première fois à l’âge de 15 ans (acheté 7.50F à la Maison de la presse des Portes-en-Ré) et qui m’a convaincu de continuer à lire de la SF. C’est original, bien écrit et vraiment dépaysant, bref du plaisir pur jus sans prise de tête. A lire absolument.
L’auteur :
James
White
est un des trop rares représentants de la SF irlandaise. Né en 1928, il mit très longtemps à faire de l’écriture son métier. Ses débuts furent surtout occupés par la publication de nombreuses nouvelles dans la revue New Worlds, avant de rencontrer un succès foudroyant à la charnière des 50’s et des 60’s avec sa trilogie L’Hopital des étoiles (Masque SF 91), Chirurgien galactique (Masque SF 116) et Major Operation (jamais traduit, suite à l’arrêt de la collection Masque SF). Pour continuer le cycle de l’Hôpital des étoiles que l’auteur n’a jamais abandonné jusqu’à sa mort en 1999, il faut se procurer les livres en omnibus chez Tor en version anglaise. C’est vraiment un auteur à découvrir pour le lectorat francophone ; peut être une bonne opportunité à traduire pour des éditeurs tels que Denoël ou le Belial…Pour en savoir plus sur l’auteur :
http://www.sectorgeneral.com/