Adénar a seize ans. Enfin, on suppose qu’il a seize ans, car Adénar est le prince d’Amaule, sur la planète Glabris, un monde où le temps a été aboli, un monde de conte où les reines deviennent des dragons, où l’on se déplace en tapis volant, où les gens organisent leur mémoire comme les pièces d’une maison et où les livres ont disparu il y a longtemps, avant l’instauration de l’Instant Eternel et le début du Conte. Un monde de légèreté insouciante où rien ne change jamais.
Mais voilà qu’Adénar est frappé d’une maladie étrange : l’ennui. Pire, il ne peut plus rentrer dans sa mémoire, car celle-ci a été envahie par des insectes. Et on raconte que dans le Sud, des insectes tombent des nuages et attaquent les gens. Bref, il y a quelque chose de pourri au royaume d’Amaule.
" Pourquoi tu touches ta tempe sans arrêt ?
- J’ai une douleur, dit Adénar. J’y ai pensé toute la matinée. C’est peut-être une tumeur.
- Je serais étonné qu’une chose pareille soit dans le Conte, dit Erable "
Les mages appelés pour ausculter Adénar rendent leur verdict : celui-ci a perdu son âme. Pour la retrouver, il doit se rendre sur la lointaine planète Ardis, la planète des rêves. Mais il ne peut s’y rendre directement, Glabris ne possédant pas la technologie adéquate, il lui faudra d’abord aller sur une des planètes voisines, grâce à une sphère des fées.
S’ensuivent un bref voyage interplanétairo-onirique, puis quelques péripéties d’un Adénar en but à un monde hostile et surdimensionné, mais secouru par un mystérieux oiseau.
C’est à peu près tout ce qui se passe dans les 200 premières pages (sur 530 au total). On assiste à un enchaînement d’évènements hauts en couleur mais assez peu intéressants, et on se retrouve rapidement en proie à la même maladie qu’Adénar. Autre problème, Andrès Ibañez écrit un conte, et prend le parti d’en adopter le style : redites, descriptions interminables, ellipses, digressions, apartés explicatifs au lecteur ("nous devons préciser qu'en ce temps là..."), "racontage" du récit ("nous retrouvons notre héros en train blablabla...") ... C’est extraordinairement peu digeste. Ces 200 premières pages sont une torture à lire.
Cependant à partir de la page 200 environ, c’est un autre livre qui commence. L’écriture se fluidifie un peu, même si elle conserve une certaine lourdeur et surtout un manque de naturel consternant dans les dialogues.
En effet, Adénar arrive à Floria, une ville apparemment florissante de ce qui ressemble fort à une Amérique du Sud uchronique. Immédiatement jeté à la Lune, c'est-à-dire en asile psychiatrique, le personnage principal apprend que le prince Adénar est fort connu à Floria, puisqu’il s’agit d’une série de contes pour enfants particulièrement populaire il y a quelques années. Adénar vient-il réellement d’une autre planète, ou s’agit-il d’un cas spectaculaire d’amnésie avec transfert de personnalité ? A moins que ce ne soit encore autre chose ?
Et puis il y a Floria. Une société très conservatrice, où la prospérité masque des inégalités effrayantes, et où, étrangement, chaque foyer conserve dans une petite boîte en bois, un insecte, sans y prêter attention, comme une innocente tradition…
" Oui, Adenau, approche-toi…, dit le scarabée. Sasha sait qui tu es… Tout le monde sait tout sur toi, ils l’ont lu dans la presse… Oui, bien sûr, je sais que tu le sais, évidemment, Adenau,… Mais as-tu pris le temps de te demander…? As-tu pris le temps de te demander ce qu’elle pense vraiment de toi ? Tu es resté deux mois à la Lune Adenau, et elle le sait parfaitement. "
Dans une sorte de dystopie soft, IBAñEZ nous parle de conformisme, de la pression sociale qui inhibe nos actes et parfois nos pensées, des rêves que l’on brise tout seul. Un sujet intéressant, mais hélas traité avec beaucoup trop de légèreté, et l’auteur échoue à créer un véritable malaise chez le lecteur. Ajoutez à cela une fin d’un ridicule complet, et vous obtenez au final un livre qui prêterais plus à rire qu’à réfléchir s’il n’était aussi pénible à lire.
L’ombre de l’oiseau lyre est un livre à moitié illisible, à moitié raté, qui gâche des idées originales et des sujets intéressants par un excès de mièvrerie. Andrès IBAñEZ ne sort pas de sa logique de conte et dilue une petite histoire en un long roman, préférant faire du merveilleux plutôt que de se colleter à ses sujets.
Note : l'auteur se nomme bien IBAñEZ et non IBAñES comme indiqué sur la couverture.