Ce recueil de nouvelles doit son titre au premier texte. On y découvre les tribulation d'un éléphant -- celui du nouveau vizir réputé cruel -- animal à la hauteur de la réputation de son maître. On y suit le parcours des villageois entre fatalisme et révolte face aux dégradations de l'animal. Entre bravade et couardise lorsqu'il s'agit d'aller râler à son sujet auprès du vizir. Finalement, l'ironie et l'émerveillement dominent dans un style à mi chemin entre Orient et Occident doté d'une fluidité toute poétique.
A l'image de ce premier texte, cet ouvrage parle du petit peuple de Bosnie perdu au milieu de l'Histoire. De ses cruautés, des ses mesquineries, mais aussi de sa grandeur d'âme, d'un forme de sincérité malgré la déformation des faits. Une simplicité bienvenue, salutaire même, quelque part universelle tant on y reconnait des traits communs à tous les peuples du monde. Où, pour se donner contenance, les gens se passent les histoires, forcément déformées bien que toujours basée sur un fond de vérité... Ensuite, ils brodent, accentuant le courage d'untel ; embellissant la mort d'un autre ; transformant un pari d'ivrognes en lutte de pouvoir entre notables locaux ressemblant plus à une bagarre de collégiens qu'à un affrontement entre deux hommes de pouvoir... Bref la vie ordinaire sous l'Empire Ottomant et l'Autriche-Hongrie que le souvenir aurait embelli ou déformé.
Andric
m'a aussi séduit par une certaine sensibilité orientale dans le texte, et comme je l'ai dit plus haut par son savant mélange de cette sensibilité avec une forme romanesque plutôt occidentale. Sorte de conte philosophique, ce recueil vaut le détour. Je ne dirais pas que tous les textes m'ont accroché, mais les principaux -- surtout ceux centrés sur la Bosnie -- sont de purs moments de plaisir littéraires.A lire, donc.