Babine-Babine, justement, vient de rompre avec Moudubas, un elfe noir, espèce immortelle et vicieuse. Il l’a mauvaise, Moudubas, et conséquence de quoi se venge en trafiquant le miroir magique de celle qui vient de le plaquer pour un autre.
Babine-Babine change sous l’influence de son miroir traficoté. Ses amies, entre deux rasades d'un liquide alcoolisé, s’inquiètent du comportement de leur amie et des conséquences qui résulteront de l’emprise du miroir sur le monde. Pour éviter la fin de cet univers, qui leur plaît, elles vont devoir se lancer dans une quête, une quête !
Celle-ci va se dérouler sur Bas-Bord, alias la Terre du Milieu ou la Terre du Mitan ! ? ! Plutôt que de rejoindre la bibliothèque où elles trouveront le livre dans une langue qu’elles ne sauront pas déchiffrer, leur indiquant comment de débarrasser dudit miroir magique traficoté, Petrol’Kiwi et Pimprenouche vont se greffer, telles deux sangsues, sur une autre quête que quatre nains et un magicien, auxquels s’adjoint bientôt un semi-ogre nommé Belle-Cuisse, qui s’engage devant elles.
Voilà les deux fées suivant les traces de la petite compagnie du Seigneur des Anneaux, observant les gaffes de ceux-ci, gaffes qui indiquent aux méchants où les attaquer. Les exigences d’une quête ! Celles de Petrol’Kiwi et de Pimprenouche, qui acceuillent le petit croque Rtoutitou, sont bien différentes. Il ne s’agit pas d’affronter le danger avec abnégation et esprit chevaleresque, mais de souffrir les affres de la faim et de la soif, la douleur des engelures, onglets et crampes. Car en Bas-Bord, pas question de faire usage de la magie, à moins d’être six pieds sous terre.
Moudubas et Babin-Babine l’ont mauvaise. L’un parce que les deux amies de son ex, de laquelle il a cherché à se venger, l’ont torturé puis enfermé dans une grotte avec un démon chtnonien qui lui a fait subir mille-morts. L’une parce que privée de son miroir, elle a eu droit à une cure de désintoxication, ce qui n’est pas une partie de plaisir. Ils vont vraisemblablement réunir leurs forces, considérables, pour donner une bonne leçon à Petrol’Kiwi et Primprenouche.
L’immortalité moins six minutes est un livre de fantasy qui n’a rien de classique (pour ce que je connais de la fantasy), bien qu’il reprenne, comme tant d’ouvrages du genre, la trame du Seigneur des Anneaux. Distancié, ses personnages principaux sont de sexe féminin, et immortels. Ce qui enlève une grande part des enjeux de la fantasy classique : pas de belle en détresse à sauver, pas de danger mortel à surmonter, la survie des héroïnes n’est pas mise en cause, celle de deux univers, au contraire, l'est bel et bien. Fin car entre Petrol’Kiwi et Primprenouche les temps de force, de confiance et de faiblesse, de vulnérabilité, alternent, ce qui éloigne le monolithisme habituel des personnages du genre. La quête qui épie la quête est un envers du décor, un décodage des points nodaux obligés de la fantasy. Avoir lu auparavant Le seigneur des Anneaux est un avantage, un préalable quasi indispensable pour savourer au mieux le travail de Catherine
Dufour
dans sa réécriture féroce du mythe hobbit.Et, au-delà de cette levée de rideau littéraire, l'auteur s'offre une assez aigre naissance de l'humanité. Son avidité, sa violence, ne sont pas innées, mais résultent de...
La morale, ne jamais remettre à plus tard ce qui doit être fait sans délai.
Outre des qualités d'inventions certaines Catherine
Dufour
livre ici des dialogues enlevés, épurés de tout langage châtié, de toute fausse innocence, qui se dédoublent et se suivent avec grand plaisir.Et puis, il s'agit d'une lecture instructrice :
"Un volcan, ce n'est pas compliqué, expliquait Pimprenouche. Au milieu, il y a un cône de lave et autour, une étendue de granit et de basalte. Par-dessus, une couche de poussières mélangées à des cendres (Elle fit couler entre ses doigts une fine farine grise mêlée de sable noir), des lapilli (elle lança au loin une petite bille vitrifiée) et des blocs."
Le trio abordait justement un passage accidenté, formé d'énormes rochers encastrés les uns dans les autres. La roche, à la fois dure et finement dentelée, lacerait les semelles de leurs bottes.
"Pierre ponce", haleta Pimprenouche en escaladant le ressaut brûlant.
Devant eux, le volcan se déployait, dégoulinant de lave comme un titanesque Flamby. Le magma visqueux coulait lentement sur ses flancs noirs ; son énorme bouche ronde crachait des caillots de lave gros comme Turlute*, aussi brillant que des jaunes d'œufs frais. Ils traçaient dans les airs enflammés des elliptiques gracieuses, avant de s'écraser avec fracas en soulevant des geysers de scories.
*il s'agit d'une ville, ainsi nommée selon le Guide du féetard.