Alex se pense leader. Quand ses drougs remettent en question son autorité, il les suit dans un cambriolage, les devance, se fait prendre. Le temps des centres de redressement est passé. La petite vieille est morte des coups qu’Alex lui a assénés avec une statuette d’argent. Il est condamné à quinze ans de prison.
L’univers carcéral n’est pas un enfer pour le jeune Alex. Il joue de son hypocrisie auprès du chapelain et tout en lisant l’Ancien testament lequel ne regorge semble-t-il pas de bons sentiments, écoute avec volupté la musique qu’il place si haut : Mozart, Beethoven…
Les cellules de la prison sont surpeuplées. Six détenus pour un espace prévu pour trois. Lorsqu’un septième prisonnier intègre la cellule d’Alex, la grande-gueule, l’arrogance du nouveau ne plaît pas à tout le monde, encore moins à Alex qui ne veut pas qu’il dispose et de sa couchette et de son corps. Au matin, le nouveau sera mort, des coups reçus de ses co-détenus, de ceux donnés sans retenue par le plus jeune.
Justement, le ministère de l’Intérieur développe une technique médicale affectant le comportement. Alex qui ne souhaite qu’échapper à la prison, signe. En quinze jours de traitement, il retrouvera la liberté. Tout ce qu’il a à faire est de regarder des films où scène violentes se succèdent. Elles le rendent malade, alors que pour lui la violence a toujours été un plaisir. Heureusement, il est sanglé pour les séances de cinique. Au terme de ce traitement, le jeune garçon, photographié par la presse, est libéré, incapable de tout acte de violence, ne serait-ce que de défense, incapable d’écouter sa musique.
Ses parents lui préfèrent leur pensionnaire. Les petits vieux de la bibliothèque municipale lui rendent les coups anciens, les miliciens l’emmènent à l’extérieur de la ville et s’en donnent à poings serrés.
Sur la forme du livre, le " je " du narrateur pourrait faire du lecteur le protagoniste de l’histoire. Deux éléments rendent cette intériorisation d’Alex impossible. En premier lieu, la violence pure et sans raison que manifeste le jeune garçon, et qui paraît être son moteur. En second lieu, le langage qu’il emploie. Emaillé de mots d’origine russe et tzigane, de visuels (personne ne pleure, chacun fait bouhouhou, …), forme un filtre.
Le langage des moins de vingt ans que parle Alex et ses complices est celui des jeunes qui la nuit, en petites meutes, dans les rues, se livrent à une violence animale. Le fait de devoir donner sens aux termes étrangers, qui s’intègrent nombreux aux phrases du narrateur Alex, forme un écran de brume et éloigne la compréhension immédiate du texte. La brutalité, outre que l’auteur ne fait preuve d’aucune complaisance en développant les scènes de violence dans le détail, en est comme tenue à distance. Jamais le mot sang n’est employé, et pourtant il coule, gicle, s’échappe en abondance de toutes sorte de plaies.
Ce langage si particulier est aussi une manifestation de la distance existant entre les jeunes et les adultes. La jeunesse est incontrôlée, avide de vie et de plaisir, fussent-ils malsains et contraires à l’ordre public. Elle est proche de son animalité. L’univers des adultes au contraire est comme domestiqué. Reprenant ses droits le jour, le monde adulte travaille, reste dans le rang, se plie sans révolte aux règles.
Et la violence n’est pas que brutalité aveugle. Elle est aussi castration des pulsions. Elle est aussi asservissement au nom du pouvoir, canalisation des forces brutes dans une option de contrôle et de gouvernance.
Le film de Stanley Kubrick est en deux temps, renvoyant la violence comme un boomerang. Le livre d’Anthony