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Faîte-moi plaisir.
Faîtes-vous plaisir.
Lisez l’œuvre originale de Alan Moore et Kevin O’Neill.
Croyez-moi.
" La Ligue des Gentlemen extraordinaires " est une magnifique BD.
Découpée à la manière d’un roman-feuilleton et faisant également référence aux pulps aventureux, elle constitue un hommage talentueux à Jules Verne, Edgar Alan Poe, Henry Rider Haggard, Robert Louis Stevenson, HG Wells, Bram Stoker, Edgar Rice Burroughs, Conan Doyle et Sax Rohmer. Mais, elle propose aussi un détournement malin du mythe du héros.
L’histoire :
La série se divise en deux cycles de six épisodes chacun qui correspondent aux deux volumes de l’édition intégrale.
Dans le premier cycle, Albion est en péril. Contactée par le secret Mr Bond, lui-même au service du mystérieux M, Miss Murray est chargée de rassembler autour du noyau constitué par le capitaine Nemo, son équipage et son vaisseau Le Nautilus, un groupe d’aventuriers téméraires et dévoués à la sauvegarde de la Couronne. Le temps presse car à Londres, celui que l’on ne doit pas nommer, esprit du Mal incarné d’origine asiatique, se prépare à porter un coup fatal à l’Empire à l’aide d’un échantillon de cavorite qu’il a dérobé.
God save the Queen.
Après un prologue martien inspiré des pulps (John Carter de Edgar Rice Burroughs plus précisément), le second cycle plonge les champions de la Couronne au coeur de l’invasion martienne telle qu’elle est narrée par HG Wells. Pendant qu’une partie de l’équipe organise la résistance à Londres, Miss Murray et Alan Quatermain sont envoyés chercher une arme secrète mise au point par un inquiétant savant.
Mon avis :
A la manière des romans feuilletons.
Le découpage de la série fait explicitement référence à la façon des feuilletonistes. Chaque épisode s’achève sur un rebondissement qui introduit un nouvel élément déstabilisateur et un court texte vient renforcer la dramatisation du procédé. Cependant, le ton employé est très grandiloquent car, si Alan Moore use des codes du roman-feuilleton, il les détourne également pour amuser le lecteur.
Avec un habillage comme qui dirait Steampunk.
Graphiquement, La Ligue des Gentlemen extraordinaires s’amuse aussi avec les codes et l’imagerie du " Steampunk ", terme dont l’acception en tant que genre est problématique. Aussi, je préfère parler de Fantaisie victorienne baroque (pour paraphraser un titre de roman de K.W. Jeter). En effet, l’univers dessiné est une techno fantaisie qui puise allègrement dans le patrimoine imaginatif du fantastique et de la science fiction, mais se permet également quelques petites allusions à l’œuvre d’auteurs plus classiques (notamment Zola). En conséquence, anachronismes extravagants, science fantasque et vision fantastique se abondent sous le pinceau de Kevin O’Neill.
Pour son scénario, la série emprunte énormément à une foule d’auteurs qui ont œuvré dans le domaine de la culture populaire : Robert-Louis Stevenson, Jules Verne, HG Wells, Henry Rider Haggard, Sax Rohmer, Conan Doyle, Edgar Rice Burroughs… Cette série est un véritable appel à la relecture de leurs œuvres.
Les héros sont fatigués
Il ne serait pas juste de réduire La Ligue des Gentlemen extraordinaires à son habillage Steampunk et à un exercice de style. En effet, Alan Moore poursuit avec cette œuvre son entreprise de démythification de l’univers des super-héros entamé avec les Wachtmen. Ici, les mythes fictifs sont sévèrement écornés et les héros de notre enfance (en tout cas celle d’Alan Moore) paraissent bien fatigués ou/et beaucoup plus ambigus.
Dans La Ligue des Gentlemen extraordinaires, aucun personnage n’est taillé dans le marbre mais plutôt dans un calcaire érodé obscurci par la suie. Les archétypes sont faussés. Nemo est un génial inventeur mais également un misanthrope doté d’une anglophobie meurtrière, Griffin, l’homme invisible, nourrit des pensées qui le sont moins, Quatermain est un drogué, ressemblant davantage à une épave qu’à un aventurier, l’affreux et barbare Hyde est finalement plus attachant que Jeckill et Miss Murray cache, elle aussi, des cicatrices peu reluisantes.
Bref, La ligue des Gentlemen extraordinaires est une réussite. Les esprits chipoteurs s’empresseront évidemment d’affirmer que la série est en-dessous de " The Watchmen ". Ils n’auront pas tout à fait tort mais de toute façon " The Watchmen " est un chef-d'oeuvre.
PS : En matière de démythification, il faudra que je fasse un jour une fiche sur la parodie très iconoclaste de Bob Morane. Allez, teaser : elle s’intitule Bob Marone et ses auteurs sont Yann et Conrad qui ont été virés jadis du journal de Spirou.