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Sfar définit Donjon comme un " cheval de Troie ", c’est à dire une ruse pour faire travailler plein d’auteurs (ses copains, surtout…) différents dans le secteur de la BD grand public ; Trondheim/Sfar écrivent les scénarii et d’autres les dessinent. Si leurs histoires sont la plupart du temps bien fichues (pas toujours), elles laissent la part belle au dessinateur et partent bien souvent en fumée après lecture, un bon petit moment de lecture éphémère, sauf pour certains albums d'artistes essentiels. Le titre DONJON s’est si bien imposé qu’il peut à son tour imposer à un vaste public des dessinateurs difficiles : Blutch, Blanquet, Killofer, Nine qui ont fait dans Donjon des petits chefs-d'oeuvre d'enluminure… Mais l’originalité de Donjon tient surtout à l’imbrication de tous ces tomes ensemble.
Donjon est défini par le duo comme un travail sur le temps qui passe, un lieu stable le " Donjon " - château-personnage autour duquel grouille tout un tas de monstres et de personnages invraisemblables – soumis aux aléas du temps qui passe ; au départ, 3 séries différentes : " Donjon – Zénith " dessiné par Trondheim, albums de 0 à 100 potentiels, est l’âge d’or du Donjon ; " Donjon - Potron-Minet " dessiné par Blain, albums de –100 à 0, raconte les fondements du Donjon, ces origines et l’histoire du futur " maître du Donjon " ; " Donjon – crépuscule " par Sfar raconte la chute et la destruction du Donjon, albums de 100 à 200 maximum… C’est à dire un potentiel de 300 albums à dessiner de -100 à 200 ; une structure un peu complexe à appréhender surtout que d’autres séries se greffent là dessus…. Ouf ! un bonheur pour le collectionneur qui sait que cette série est potentiellement infinie, une utopie un peu folle, sauf que 30 albums sont déjà disponibles (heureusement ils sont relativement bon marché).
Mais ce beau principe a évolué avec le temps et la fantaisie du duo : au fur et à mesure qu’ils confient le dessin à des auteurs, ils explosent le temps et font des épisodes à peu près n’importe quand dans leur calendrier complexe, si bien que les histoires se croisent se chevauchent en un véritable labyrinthe ludique : les personnages meurent puis vivent puis reviennent au fur et à mesure des parutions. Un puzzle très dense sous des allures de farce potache.
Avec une première vision de l’ensemble, 10 % du total est lisible, c’est un ensemble chaotique, noir, assez désespérant malgré les allures comiques qui se crée ; un univers sombre et drôle qui fait écho de façon évidente aux grouillements médiévaux des tableaux de Jérôme Bosch ou de Bruegel. Et si Donjon était secrètement un traité philosophique sur la peinture et le dessin, voulant montrer les infinis délirants de l’imaginaire ?
Petite tricherie sur les chroniques BD (qui ne permettent pas encore de " dossier "), je parle ici de généralités sur DONJON, peut-être un jour, quelques chroniques plus précises sur des albums en particulier.
A noter que dans cette série se cachent de vrais bijoux ; mes préférés : " Mon fils, le tueur " de Blutch, Sfar/Trondheim – une somptueuse édition de luxe en n&b est disponible ; " Les Profondeurs " de Killofer, Sfar/Trondheim. " La chemise de la nuit " par Blain, Sfar/Trondheim.
Pour bien commencer avec Donjon, lire :
" La chemise de la nuit ", numéro –99
" Cœur de canard ", numéro 1
" Le cimetière des dragons " numéro 101
puis enchaîner...
le meilleur site non-officiel :
www.bibou.org/donjon