"Pourtant, que surgisse une infime variation climatique, et ce bel équilibre risquait de s'effondrer, avec la pénurie, ils découvriraient le travail, l'agriculture, l'élevage, adieu l'équité ; tôt ou tard viendrait l'inégalité, le profit, la peine ! [...] L'intelligence ne vient plus de la nécessité de survivre en milieu hostile, mais du bonheur d'exister sur une terre complaisante."
Payan est un baroudeur qui voyage aux 4 coins de la galaxie pour faire ses affaires.
Voyant un vase qui le subjugue chez un marchand, il décide de se rendre sur la planète où vit la peuplade qui l'a fabriqué.
Il rencontre alors une tribu de chasseurs-cueilleurs, considérés comme des animaux sans intelligence par une humanité imbue de sa civilisation, et donc de sa supériorité, au nom du progrès.
Oui mais voilà, intégré dans cette tribu, il va tomber amoureux d'une de ses membres. Il va donc vivre avec elle le bonheur, en la découvrant et en découvrant à travers elle les moeurs, les coutumes et les arts de ce peuple, bien plus intelligent qu'il n'y paraît.
Payan décide alors de la vivre avec elle, et donc de la ramener sur Terre.
Confrontés à la connerie humaine, leur bonheur va virer à la tragédie.
Cette histoire, en particulier le physique de la femme de cuir, fait penser à la Vénus hottentote, cette pauvre femme traitée comme un animal.
Ouvrage engagé, sans conteste. Mais au-delà du message antiraciste, réhaussé de quelques délicieuses piques antithéistes, c'est toute une réflexion sur la civilisation et sur le progrès. Je pense bien sûr tout de suite à Diderot, en particulier au Supplément au voyage de Bougainville, et au Dialogue entre un père et ses enfants, avec cette fameuse exclamation « Nous nous prétendons civilisés et nous sommes pires que des sauvages !»
Loin cependant de toute illusion sur le bon sauvage, les auteurs semblent au contraire proches de Freud (Totem et tabou), selon qui il n'y a pas de civilisation sans répression.Et ils en profitent donc pour mettre en cause la civilisation, et son sentiment de supériorité, qui rappelle bien entendu la colonisation de l'Afrique et le sort fait aux autochtones (on pourrait penser aussi à la quasi-extermination des Indiens dans les mines d'or par les Espagnols).
Poignante réflexion sur le racisme, au sens étymologique du mot, ce livre, court, reste d'une grande densité intellectuelle, sans tomber dans le travers du pédantisme, ce livre est une merveilleuse illustration de ce que peut être une sf intelligente, dans le meilleur sens du mot.