C'est sur cette problématique au potentiel ô combien philosophique que Charles
Harness
nous propose de nous pencher au travers d'une histoire profondèment humaine.Anna Van Tuyl est psychiâtre. Le champ d'application de sa discipline est nébuleux entre tous (difficile de mettre des pensées en équations). Elle était aussi danseuse; était car elle est atteinte d'une maladie dégénérative qui déforme son corps.
Anna deviendra le médecin attitré de Ruy Jacques, un personnage bohème aux manières cavalières, doté de talents aussi prodigieux que ses handicaps sont manifestes (il souffre, entre autres, de la même maladie qu'Anna, mais à un stade plus avancé.)
Ces deux êtres blessés vont se livrer à un singulier pas de deux dont le point d'orgue ne sera rien moins qu'une nouvelle étape de l'évolution humaine.
A cet improbable duo s'ajoute, complétant l'éternel triangle amoureux, Martha, l'épouse de Jacques. Dévorée par la jalousie, obsédée par l'idée que la science est tout, elle cherche à percer le secret de la Sciomnie, objet mathématique mythique et arme ultime.
Ce texte de quelques cent-quarante pages (longue novella? court roman?) mêle habilement spéculations vertigineuses et images poétiques, sans que le rythme ne soit un instant amoindri.
Le thème et le rôle des personnages me font irrésistiblement penser à la nouvelle Maturité de Theodore Sturgeon. A l'instar de ce dernier,
Harness
fait montre de beaucoup de compassion envers des êtres à part, sensitifs magnifiques pétris de faiblesses, et pose la nécessité d'une meilleure communication.(Un texte plus court, La nouvelle réalité, clôt l'ouvrage. Il s'agit d'une astucieuse variation métaphysique, dont la chute aux résonnances cosmiques rappelle le goût de l'auteur pour la théologie.)
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Maîtrisée de bout en bout, portée par un style élégant, prompte à stimuler l'imagination, La rose est une oeuvre rare qui, à n'en pas douter, fait son nid dans la mémoire de ceux qui l'ont lue.