S'éveille...
Hafiz
Nathanaël, je te raconterai les sources...
D'abord cette écriture timide, laborieuse parfois qui dépeint un monde bipolaire irrespirable et surpeuplé dans lequel se débat un antihéros dépressif à la vie terne, aux passions oubliées.
Paris 2099
Arthur Taillandier
Sa vie c'est bouchon boulot branchouille. Macrosoft ou Virtual. L'informatique au coeur des hommes. Tête rase ils se connectent aux univers virtuels de Cybéria après leur énième shot dès qu'ils ont cinq minutes.
Si l'univers rappelle les punkys on est loin des milieux interlopes.
Thuillier
nous projette ici un cybermonde formaté pour le vulgum pecus véritable star'ac connecting des ménagères et des yeux bovins. Loin, loin la rébellion loin les flashes heureux des junkys intrépides loin la marginalisation le nihilisme et la pensée libertaire. Vive le lissage des esprits.Leur piment c'est le neuvième cercle de Cybéria.
Fermier ! Chante ta ferme.
Je veux m'y reposer un instant et rêver, auprès de tes granges, à l'été que les parfums des foins me rappelleront.
Prends tes clés ; une à une, ouvre moi chaque porte...
La première est celle de la création, du cyber-art.
Une deuxième clé pour un deuxième cercle, celui de la culture, de la pédagogie, de l'éducation et ainsi de suite : à chaque catégorie son cercle. On terminera alors par le neuvième, celui du réalisme total, là où toutes les palettes des sensations peuvent être reconstituées y compris la douleur.
Arthur y plongera pour participer virtuellement en heaume et haubert à une reconstitution de la prise de Jérusalem en 1099 aux côtés de Godefroy de Bouillon, humeurs diverses entrantes ou sortantes garanties.
Au lieu d'y perdre son âme il trouvera la porte du monde de Dunyah
Il ne me suffit pas de dire que les sables des plages sont doux ; je veux que mes pieds nus le sentent...
Oh ! Villes d'Orient, du Midi ; villes aux toits plats, blanches terrasses, où, la nuit, les folles femmes viennent rêver. Plaisirs ; fêtes d'amour ; lampadaires des places, qui font, quand on les voit des collines voisines, comme une phosphorescence dans la nuit...
Et c'est à cet instant que le roman bascule ici, à Dunyah, monde moyenâgeux proche de la Syrie ancestrale. La plume de
Thuillier
s'y lâche enfin et c'est merveilleux.Le roman change de dimension il devient conte philosophique, ballade médiévale, critique sociale, que sais-je encore. Les pages se dévorent, la problématique prend corps, s'étoffe et nous passionne.
Guy
Thuillier
nous fait partager son érudition et sa sensibilité à fleur de peau. On frôle l'excellence.Le livre se terminera sur un immense renversement de situation absolument imprévisible et parfaitement cohérent. L'idée en est excellente mais ce qui en ressort manque un peu de panache. D'où une légère déception en fin de lecture et c'est bien dommage.
Il n'en demeure pas moins que je place à présent le dixième cercle de Guy
Thuillier
parmi les meilleurs ouvrages francophones que je connaisse.Sinon
Thuillier
nous offre en guise de conclusion une interrogation finale. Après avoir longuement réfléchi je n'ai pas osé la reprendre à mon compte la repoussant à plus tard.A ceux qui connaissent déjà le livre c'est le signe que je vais plutôt bien non ?
Nathanaël, jette mon livre ; ne t'y satisfais point. Ne crois pas que ta vérité puisse être trouvée par quelque autre ; plus que de tout, aie honte de cela. Si je cherchais tes aliments, tu n'aurais pas de faim pour les manger ; si je te préparais ton lit, tu n'aurais pas sommeil pour y dormir.
A. Gide " Les nourritures terrestres "
Je terminerai en citant un extrait de la préface de " le problème de Turing " préface écrite par Gérard Klein certainement en 1994 :
" Mais il me faut conclure sur une note un peu triste. C'est qu'il n'a pratiquement été question dans cet exposé succinct et incomplet que d'oeuvres anglo-saxonnes et allemandes. L'ordinateur et les technologies de l'information sont presque complètement absents de la production française de science-fiction, sauf là où elle singe les modèles anglo-saxons. J'ai cité Michel Jeury qui fait exception. Il y a eu certes les techno-thrillers de Thierry Breton, ainsi Softwar (1984), etc., mais je ne crois pas nécessaire d'y insister. On ne voit guère que Maurice G. Dantec qui, dans Les Racines du mal a relevé le défi dans le sillage de William Gibson. "
Gageons que si monsieur Klein réécrivait son texte en 2006 le nom de notre ministre de l'économie actuel disparaisse au profit de Guy