Voyons son auteur… Arnould
Galopin
, tout à fait oublié aujourd’hui (la légion d’honneur ne fait pas tout), est l’auteur d’une cinquantaine de roman, aussi varié que surfant sur la mode du moment : Jeunesse, Policier, Science-fiction.Du côté Science-fiction, on peu même ressortir deux influence majeure : H.G. Wells (notamment « Les premiers hommes dans la Lune », sortit 5 ans plus tôt) et Jules Verne, à qui il fait même référence dans « Le Docteur Omega ».
Evidemment le style est atrocement vieillot. J’ai connu pire… mais aussi beaucoup mieux. Je ne peux pas vraiment juger la comparaison avec Jules Verne, ma lecture de l’auteur remontant à mes 8-12 ans, mais ça m’avait semblé quand même un peu plus léger (sauf pour ce qui concerne les interminables descriptions de poissons, ça, Verne m’a appris à sauter certain paragraphes…). Ce qui alourdit la lecture, c’est finalement la platitude de l’intrigue et des caractérisations des personnages, bien plus que la langue (certes tout droit sortit d’un vieux manuel de Bled) (le subjonctif imparfait n’existe plus vraiment actuellement).
Sous l'océan
Passons à l’histoire… Nous suivons donc trois protagonistes. Le héros, Monsieur Borel, est un rentier misanthrope qui ne sort pas beaucoup et joue du violon, qui s’est retiré en Normandie. Un jour, il est perturbé par l’explosion d’un hangar proche, et s’intéresse d’un peu plus près à son étrange voisin : Le Docteur Oméga, un scientifique un peu fou qui a pourtant fait une découverte sensationnelle avec la Répulsite (dans d’autres éditions, il est question de « Stellite »), un métal ayant la propriété d’annuler les effets de la gravitation. En gros, il s’envole de plus en plus vite jusqu’à sortir de l’atmosphère terrestre.
Le troisième personnage ne semble présent que parce qu’il fallait des muscles et que les deux personnages principaux sont soit trop vieux, soit un peu feignant. Il s’appelle Fred et il a failli être attachant.
Les voilà embarqué vers Mars, après un calcul savant, car ils n’ont aucun moyen de changer la direction de leur vaisseau « Cosmos », donc il faut prendre en compte la dérive de Mars et ce genre de chose. Ils avaient prévu suffisamment d’oxygène pour deux, mais avec ce maladroit de Fred, c’est à peine s’ils ne suffoquent pas en arrivant sur Mars.
Je me suis demandé pendant tout le voyage comment ils allaient atterrir sur Mars… Alors que la répulsite allait, selon toute probabilité, les faire s’éloigner de Mars. Mais suis-je bête, il y a des océans sur Mars (…) donc il suffit de lancer une ancre dans un endroit peu profond, de tirer sur le filin pour descendre, puis de remplir les soutes d’eau pour faire en sorte que le Cosmos flotte gentiment. Sauf qu’il coule, et que les poissons sont phosphorescents, des sortes d’Atlantes ne sont pas sympas et un ichtyosaure mort passait par là.
Une fois revenu sur la terre ferme, les trois explorateurs retirent le blindage du Cosmos et le cache, pour pouvoir rouler sans s’envoler. (Spoiler ! Ils vont se faire piquer le blindage)
Un clan de Martiens s’approche. Comme ils sont petits, moches et frêles, il suffit trois ou quatre coup de pieds à Fred pour en mettre une centaine au tapis, tout à fait mort. Je vous avais dit qu’il avait « failli » être sympathique. Le Docteur a une pointe de remord, quand même.
C’est normal en 1906 !
Je vais cesser de vous raconter à partir de maintenant, juste vous dire que la cohabitation avec les martiens ne se passe pas bien, et que les héros, de parfaitement plat avant leur rencontre avec les martiens, deviennent parfaitement détestables.
Galopin
nous décrit une société évoluée, et même très intelligente et avancée techniquement, mais Borel ne semble pas en tenir compte et traite, dans ses mémoires (puisque c’est lui le narrateur), ces martiens de sales petites choses fourbes et débiles. Le fait est qu’ils sont bloqués sur mars sans même une seule patate à faire pousser.La seconde moitié du bouquin est un long relent interminable de racisme envers les populations locales, les comparants même aux « Caraïbes » et aux « Canaques », sans tenir compte des dégâts qu’eux-mêmes causent aux martiens. On est encore en plein dans le colonialisme.
Je parlais d’un choc dans ma critique à chaud sur le forum, semblable à celui que j’ai eu en lisant « Robinson Crusoé » après avoir découvert plus jeune « Vendredi ou la vie Sauvage ». L’un est emplis de sentiments racistes, dégradants et négatifs envers Vendredi, l’autre est une ode à l’ouverture vers l’autre et à ce qu’il peut, lui, le « sauvage » nous apporter.
Docteur qui ?
Avec le Docteur Oméga, ce fut la même chose. On me vantait depuis longtemps ce texte comme un « précurseur » de Doctor Who, la fameuse série de SF britannique qui dure depuis 53 ans. Et en effet, les illustrations représentant le Docteur Oméga sont frappantes de ressemblance avec le premier acteur ayant interprété le Docteur, William Hartnell. Ajouté à cela des compagnons, et la rencontre avec des aliens, j’étais déjà toute heureuse de l’avoir enfin trouvé en papier.
Grave désillusion… Ou le Docteur (limitons-nous au Premier, mon préféré et le plus proche d’Oméga) est relativement misanthrope, Oméga est très amical et s’ouvre facilement. Et ou le Docteur est plein de miséricorde et de curiosité saine envers les autres peuples, Oméga a à peine un petit remord de les voir massacrés, et fait face à chaque problème en pensant à une solution martiale. Néanmoins, ils sont tout deux bricoleurs et astucieux… C’est au niveau de la moralité qu’ils sont totalement différents. Le Docteur s’améliore au contact de ses amis humains, alors qu’Oméga devient de pire en pire, et insiste pour kidnapper des martiens pour les ramener sur terre… ou ils dépérissent, pauvres choses !
On prend les mêmes et on recommence.
Quelques années après la première publication de ce récit (deux ans, en fait, il n’a pas perdu de temps),
Galopin
publie « Aventures fantastiques d'un jeune Parisien : Les chercheurs d'inconnus ». Il s’agit de la même histoire, sauf que les personnages sont plus ou moins remplacés. Si le Docteur Oméga reste présent, le héros est maintenant un jeune garçon, et un autre scientifique les accompagne. Le récit est peut-être plus adapté pour la jeunesse, j’avoue ne pas l’avoir lu moi-même… (et même si je le trouve, je doute m’infliger ça une seconde fois).J’ai quand même un point positif à souligner : les illustrations. Malheureusement mon histoire possède celles de Rapeno (qui sont néanmoins très jolies), mais les premières éditions possèdent de magnifiques dessins de Bouard et Paul Thiriat.
Je vous conseille fortement ce lien, pour la liste des éditions de cette histoire, et aussi pour un autre point de vue, plus positif, sur l’histoire : galopin-arnould-le-docteur-om%C3%A9ga/" target="_blank" rel="nofollow">http://www.merveilleuxscientifique.fr/auteurs/
galopin
-arnould-le-docteur-om%C3%A9ga/Vous pouvez lire « Le Docteur Oméga » gratuitement, car il est tombé dans le domaine public : http://fr.feedbooks.com/book/5302/le-docteur-omega-aventures-fantastiques-de-trois-fran%C3%A7ais-dans-la-plan%C3%A8te-mars