Lehman
. Sous une couverture, signée Daylon, qui épouse à merveille le thème de la première nouvelle, on retrouve 6 récits entre fantastique et SF.C’est avant toute chose un recueil d’ambiance, entre celle oppressive et menaçante du Haut-Lieu où se trouve enfermé et acculé un agent immobilier et son mystérieux client et dont les murs et les pièces se liguent contre leurs occupants, ou encore celle d’une ville tout droit sortie du Métropolis de Fritz Lang, baroque et inquiétante, menacée par un mal insidieux. Serge
Lehman
excelle pour installer en quelques pages des ambiances qui nous immergent dans ces nouvelles, par ses descriptions méthodiques et précises il parvient rapidement à nous faire pénétrer dans ses histoires et si la ville de Superscience en est l’exemple le plus remarquable au côté du Haut-Lieu, on ne manquera pas de souligner l’ambiance surréaliste de l’excellent Origami ni celle troublante de La Chasse aux ombres mollesOn soulignera également une certaine réflexion de chaque personnage dans ces diverses nouvelles, une réflexion aussi bien introspective comme celle de Lance pour trouver au tréfonds de lui les raisons des transformations du Haut Lieu, ou celle de Richard Mars sur sa raison d’être et de son devenir mais une réflexion aussi sur l’univers qui les entoure, tantôt en s’offrant une compréhension douloureuse du monde pour Vincent dans Origami et tantôt s’exposant leur incompréhension de l’immensité des galaxies et des étoiles pour Richard Mars.
L’ordre des nouvelles dans le recueil est aussi un autre élément appréciable, on y voit une progression logique et réfléchie. On démarre d’une nouvelle intimiste au sein d’un Haut Lieu chargé en souvenir pour s’intéresser dans la Régulation de Richard Mars à l’univers dans son ensemble mais aussi dans un certain sens à l’individualité du rat Ssander. L’agencement des nouvelles est ainsi fait pour peu à peu reculer l’objectif et voir plus vaste, en partant de l’individu dans le Haut Lieu, continuer en s’intéressant à un mystérieux groupe d’hommes dans le Gouffre aux Chimères, croiser Maistre au sein d’une entreprise effrayante, pour aller visiter une ville baroque et étudier la Superscience, s’intéresser à l’univers dans Origami et enfin, La Régulation de Richard Mars qui fait jonction entre interrogation universelle et individuelle. La boucle est bouclée.
Seul bémol peut être, la nouvelle du Gouffre aux chimères qui voit un groupe d’hommes, mandaté par le gouvernement, rechercher des individus qui subissent la réification. En effet, celle-ci est assez hermétique et j’avoue ne rien y avoir compris la première fois malgré la beauté indéniable d’un environnement fait de livres. Cependant, une seconde lecture apporte une plus claire vision des choses surtout lorsque l’on sait ce qu’est une réification.
Terminons par quelques commentaires sur les nouvelles en elle-même. Le Haut Lieu ouvre le recueil accompagné d’un plan bien utile (merci Daylon). Cette nouvelle se révèle fantastique, calibrée au millimètre et entretenant le suspense jusqu’au bout avant de terminer en apothéose, il s’agit peut-être de la plus belle nouvelle de ce court recueil. Autre splendide nouvelle, la Régulation de Richard Mars qui voit celui-ci devenir une sorte de Dieu omniscient capable d’observer et d’influer sur la population d’une planète entière, celle des Rats. Bourrée d’intelligence, magnifique et douée d’une sensibilité subtile dans l’interaction entre le Dieu et son messager, le Rat Ssander, cette régulation est une très grande réussite à tous les points de vues, humain ou métaphysique. Et pour conclure mentionnons la courte nouvelle Origami où Vincent se retrouve dans un manoir pour parfaire sa compréhension de l’univers en faisant des cercles à longueur de journée, la chute et la réflexion développée sont encore une fois bluffantes, malgré sa courte longueur.
Que dire de plus pour vous convaincre de lire ces 6 nouvelles, excellentes sur tous les plans et dont les nombreuses fulgurances font de ce recueil un incontournable en cette fin d’année. Serge