Le Sacrifice

Première chronique sur une Bd que je n’ai pas lu, et que je ne lirai pas ! Qu’on m’excuse ou qu’on me censure : mais malheureusement, cette Bd est illisible, la feuilleter me suffit (gloubigoulba d’intrigues vues, revues et rererevues, personnages fatigués et fatigants, et le nouveau style graphique immonde de pompiérisme de Rosinski pff ), et si quelqu’un veut en faire une VRAIE chronique en réponse qu’il ne se gène pas ! Alors quoi ?

C’est presque une chronique sur une préface : celle du scénariste Jean Van Hamme, au début de ce nouveau Thorgal « Le Sacrifice ». Van Hamme, scénariste traditionnel (« à l’ancienne ») et mythique quitte Thorgal, les yeux plein de larmes ! il n’écrira plus de Thorgal ! (qu’on se rassure visiblement la série continuera avec Yves Sente et Rosinski ! hélas !). Et bien je lui réponds : ENFIN ! BONNE RETRAITE JEAN ET MERCI !

Je ne veux pas me lancer dans une série de Chroniques sur Thorgal (une trentaine d’albums) à la manière de Morca, mais je saisis l’occasion de la parution du « Sacrifice » (quel titre pour un ultime album) pour une unique chronique sur Thorgal, la série BD qui n’en finit plus, ni de raconter n’importe quoi, ni de briser tous les rêves qu’elle a suscité chez moi. Car si les 10-15 derniers épisodes (j’ai décroché au numéro 18) de la série peuvent être utiles pour allumer un grand feu, la première partie de la série (tomes 1 à 17), certes inégale et bringuebalante, reste un grand moment de la Bd d’aventure !

Pour ceux qui ne connaissent pas, Thorgal, viking poète, bel homme viril et pacifiste, est poursuivi par le destin : il est le dernier enfant d’un peuple d’immigrés interstellaires. La série va piocher d’un côté dans les Sagas traditionnelles vikings (nains, monstres, géants) et de l’autre dans un imaginaire SF. Le mélange ne cohabite pas forcement toujours très bien, et avouons le, annonce le n’importe quoi final de la série. Toutefois, le graphisme classique et réaliste du Rosinski des débuts sert des intrigues sobres et intelligentes, plutôt bien construites et vraiment attrayantes. Le génie de Van Hamme sur cette série a été de définir une trame familiale complexe et œdipienne, qui se construit et se résout petit à petit dans la série, avec l’apogée des aventures de Thorgal au pays Qâ (Amérique du sud). C’est la trilogie ( !) « Le pays Qâ », « les yeux de Tanatloc », et l’ultime épisode de la saga familiale de Thorgal : « la cité du Dieu perdu ». L’histoire qui sous-tend Thorgal est alors achevée. Mais, mélange du syndrome « poule aux œufs d’or » (les éditeurs de Thorgal se frottent les mains depuis des années) et de l’amour de leurs personnages, les auteurs continuent la série. Ils recyclent leurs personnages et leurs intrigues, résolvent leurs fantasmes parallèles (quelle joie de déshabiller ses héroïnes , quand on ne peut le faire dans les publications pour enfants « journal Tintin » !). Aveuglés par le succès de la série, ils ne voient pas qu’ils cassent leurs jouets et pourrissent leur série.

Thorgal a connu son âge d’or dans les années 80 / 90, avec d’excellents albums, intrigants - la trilogie (décidément !) « La galère noire », « Au delà des ombres », « la chute de Brek Zarith » - fantastiques « Alinoé », et classiquement aventure « Les Archers », puis la trilogie déjà citée. Personnellement, Thorgal m’a fourni une grande dose d’héroïsme, de rêve épique : avec sa princesse (son érotisme caché, il faut bien l’avouer), sa virilité « à l’américaine », un vrai de vrai ! un balafré ! mais au grand cœur et quelque peu nostalgique ; Thorgal est effectivement une caricature de virilité bien pensante mais humaine. Qu’importe ! Ses aventures étaient pour un gosse (et c’est essentiel en Bd de s’adresser à l’enfance et aux pulsions premières de l’enfant) purement extraordinaires.

Thorgal le grand-père a contribué à installer cette grande vague d’héroic-fantasy qui constitue désormais le fond de commerce principal de la BD franco-belge (et la clique des Lanfeust et consorts) : c’est lui en tous cas qui a dû expliqué aux éditeurs où se cachait le trésor des bienveillants car ils se sont précipités dans la brèche… Ce qui aurait pu rester comme une grande BD classique d’aventures hélas n’a pas résisté à la longévité de ses auteurs, et a sombré dans la médiocrité de ses suiveurs.

Finalement, ce qui était au départ une sympathique série d’aventures haletantes se fane en un gâchis dessiné, parce qu’on a préféré la facilité et le gain, aux idées et aux belles histoires. Ou l’art de s’arrêter à temps.