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Un chevalier solitaire, sans plus de visage et à l’âme aussi sombre que son passé, prend comme compagnie les deux survivants d’un village pillé par des soldats. Sans bonté d’âme aucune car il se lasse juste de la solitude. Mais alors que tous trois traversent le pays, un bois se dresse sur leur chemin : une forêt aux brumes épaisses dont les habitants ne présentent rien de commun avec les êtres humains…
Les trois voyageurs arpentent-ils toujours la terre des hommes, ou bien celle de l’« Autre Monde » ?
C’est le voyage qui caractérise ce récit, le voyage sur un sol peuplé de mythes et de légendes issues du temps où la terre, les ondes et le vent ne faisaient qu’un avec l’homme. Un sol où les rêves se confondent avec l’éveil et où la folie – pas toujours douce – reste seule norme. C’est un voyage en terre de Féérie, où règnent les gens du « petit peuple » et celui qui s’y aventure aurait bien tort de ne fut-ce qu’essayer de leur tenir tête car leur magie est puissante. Hélas pour les héros de ce récit, ou heureusement pour eux selon le point de vue, l’offense qu’ils feront à ces être de magie ne sera pas volontaire ; il y aura néanmoins un prix à payer, et ce sera ainsi l’occasion pour l’un d’entre eux d’entrouvrir une porte qu’il cherchait depuis longtemps.
Ce premier volume de la série Les Compagnons du crépuscule sert bien sûr à François Bourgeon d’introduction, à la fois pour les personnages à travers lesquels il va narrer son récit, mais aussi pour l’époque troublée dans laquelle ils évolueront, et surtout sur quel ton cette aventure sera servie. Et comme on vient de le voir dans le paragraphe précédent, l’atmosphère ici laisse la plus grande place à la magie. Mais une magie discrète. Soit à l’inverse de cette pseudo-magie hollywoodienne et tapageuse qui en met plein la vue sans rien faire d’autre. Il s’agit ici de magie au sens traditionnel du terme, qui se confond avec les songes et l’illusion, abolit le temps et l’espace, plonge au tréfonds des terreurs comme des désirs, et surtout nous invite au voyage.
Les seuls véritables monstres que vous y trouverez arborent un visage tout à fait humain, et les seuls fracas que vous entendrez proviennent de leurs guerres. Tout le reste se situe dans les limites de l’invisible et du silence, voire du non-dit. Entre ces frontières pas toujours nettes, Bourgeon nous balade, nous surprend souvent, nous effraie parfois, mais surtout nous émerveille. Comme ces fables d’antan dont l’auteur s’est inspiré, Le Sortilège du Bois des Brumes réussit son pari de nous emmener dans cet « Autre Monde » sans même qu’on s’en rende compte.
C’est le privilège des récits bien racontés après tout…