| |||||||||||||||||||||||||
C’est un dieu qui parle cette fois en début de volume. Non un de ces « petits dieux » comme celui échoué sur Terre et que Cromwell Stone s’évertua à renvoyer chez lui, parmi les étoiles, mais bel et bien celui unique et universel qui créa ce temps et cet espace au moins. Pour le lecteur, l’indice se montre aussi précieux que les citations sur lesquelles s’ouvraient les tomes précédents de la série : en utilisant un protagoniste aussi absolu, définitif, totalisateur, Andreas nous indique le plus clairement possible qu’il clôt son ouvrage – comment, en effet, et à moins d’utiliser le subterfuge d’univers parallèles ou bien de réalités supérieures à la nôtre et dans lesquelles celle-ci se trouverait contenue, pourrait-il trouver un auteur plus extraordinaire encore, à travers lequel poursuivre son récit ?
De plus, c’est aussi un excellent moyen de dépasser la fausse problématique de la dualité des genres. Ici, il importe peu que l’histoire appartienne à la science-fiction ou au fantastique, voire même aux deux à la fois, car ce conte ne demande plus d’étiquette puisqu’il se suffit à lui-même. Dans ce sens au moins, le volume se situe dans la continuité du précédent qui, déjà, laissait une part belle à la dimension humaine. Cette histoire se place sous le sceau de la perte, de l’absence, de la culpabilité pour toutes ces questions qu’on n’a pas su poser et dont les réponses multiples nous hantent, surtout les plus froides et les plus tranchantes. À sa manière, Marlène prendra la forme d’une autre réponse, mais la meilleure que pouvaient espérer les deux vieillards qui la recueillirent. Au fond, ce récit reste avant tout le leur…
L’évolution se constate aussi sur le plan artistique où les techniques employées jusqu’ici de l’encre noire et de la carte à gratter s’enrichissent d’une utilisation toute aussi experte du crayon et du fusain. Les aplats et les hachures de noir le disputent ainsi à des cases plus grises et donc plus en nuances qui font un excellent moyen de séparer le présent du passé comme l’éveil du songe – à moins que ce soit le contraire… Et si la composition proprement dite se veut un peu plus conventionnelle, on se plaît à penser que c’est avant tout pour mieux mettre en avant les aspects humains qui servent de clef de voute à cette histoire. Ceux-là, après tout, n’exigent aucun artifice, graphiques ou autres.
Pour cette raison, ce Testament… s’affirme comme le volume le plus abouti de la trilogie. Tant sur le plan narratif que pictural, ce qui s’exprimait jusqu’ici surtout comme une forme de double performance technique – et sans pour autant que ça l’empêche de convoyer des émotions fortes – dépasse à présent le stade de la simple aventure pour adopter les atours tout en subtilités de ce qui constitue un récit véritablement mémorable.