Ainsi, Le Vol du dragon nous présente-t-il un monde en proie à de mystérieux envahisseurs que seuls peuvent repousser des chevaliers-dragons situés au sommet de la hiérarchie sociale en raison de leur rôle essentiel de défenseurs. Nul besoin d’y regarder de bien près pour distinguer l’aspect féodal d’une telle société, dont la nature médiévale est renforcée par le terme même de « chevalier-dragon » – par essence un truisme de l’heroïc fantasy. À ceci s’ajoute une sorte de quête à travers la recherche de la jeune fille qui devra chevaucher la Reine dragon et qui s’apparente ainsi à une sorte « d’élue » – ce qui n’est jamais qu’un autre élément propre à l’heroïc fantasy.
Sauf que l’intrigue de ce récit se situe en fait dans le futur et sur une autre planète dont la colonisation a mal tourné et où les immigrés venus de la Terre sont retournés à un niveau pré-industriel suite à la perte de leurs technologies modernes, mais seulement après avoir créé la race des grands dragons télépathes par manipulations génétiques de la faune locale. Il n’y a du reste aucun réel spoiler puisque ces faits se trouvent décrits en détail dans les divers autres récits de cette suite d’ouvrages qui correspond à La Ballade de Pern ; ce roman précis – au départ quatre novellas distinctes ici rassemblées en un seul ouvrage – raconte en fait une autre histoire…
Pourtant, Anne
McCaffrey
ne tente pas ici une déconstruction ni de l’heroïc fantasy, ni de la science-fiction, car – comme je l’évoquais plus haut – la ficelle qu’elle utilise n’a déjà rien de bien nouveau en cette fin des années 60 où elle publie le tout premier récit de cette série qui la rendra célèbre dans le monde entier. En fait, l’auteur présente surtout un discours aux accents tout à fait féministes, ou du moins propose une aventure où non seulement le personnage principal est une femme mais où il parvient à sauver le monde à travers des idées et des moyens si féminins qu’aucun personnage masculin ne les aurait jamais envisagés.Ainsi Le Vol du dragon s’oppose-t-il, à travers son héroïne, aux stéréotypes de la fantasy mais aussi de ceux de la science-fiction de l’époque où les femmes, trop souvent hélas, servaient encore de faire-valoir aux héros masculins, au mieux, si ce n’est de pur objet sexuel, au pire. Bien sûr,
McCaffrey
n’est pas le premier écrivain de science-fiction aux inspirations féministes, ou assimilé (1), mais elle reste néanmoins l’auteur qui lui a donné un des personnages les plus emblématiques de ce mouvement revendicatif au sein du genre.Quant au roman lui-même, c’est une très adroite juxtaposition de thèmes typiques de cette heroïc fantasy et de cette science-fiction si souvent décrites comme tout à fait différentes, pour ne pas dire franchement opposées mais qui se trouvent ici certains points communs. C’est aussi un récit fin et sensible dans son approche des relations entre hommes et femmes, ainsi qu’une aventure originale dont les diverses tournures sauront charmer les lecteurs exigeants.
(1) des auteurs comme Ursula K. Le Guin ou Joanna Russ viennent immédiatement à l’esprit.
Récompense :
Prix Hugo, en 1967, pour le récit court La Quête du Weyr qui ouvre ce volume.
Adaptations :
- en jeu de plateau : Dragonriders of Pern (1983), par Mayfair Games.
- en jeu vidéo : Dragonriders of Pern (1983), un jeu d’action-stratégie par Epyx, pour Atari 800 et Commodore 64 ; Dragon Riders – Chronicles of Pern (2001), un jeu d’aventure par Ubisoft, pour PC et Dreamcast.
- en MUD (Multi-user dungeon): parmi les nombreuses adaptations d’amateurs, on peut notamment citer PernMUSH.