Il s’agit d’un étrange palais où une armée de fonctionnaires collecte, trie, archive et interprète les rêves de tous les sujets de l’Empire, dans le but d’y deviner les troubles à venir de l’Empire, pour mieux les anticiper.
Mark-Alem commence au bas de l’échelle, au tri des rêves. Apportés par charrettes entières, il faut essayer de faire le tri entre ceux qui peuvent présenter un intérêt à l’interprétation et les autres. Puis Mark-Alem va passer à l’interprétation, avant d’arriver au poste suprême de cette terrible bureaucratie, qui n’hésite pas à broyer les individus pour se perpétrer.
L’argument transficitif est évident, puisque les rêves constituent en quelque sorte l’une des matières premières de ce récit étrange, fascinant et glaçant. Critique métaphorique de l’oppression totalitaire, on pourrait le rapprocher sans peine des œuvres des STROUGATSKI ou de « 1984 ». Peut-être moins marquant que le roman d’ORWELL, ce « Palais des rêves » reste une œuvre originale et fascinante, par sa description du totalitarisme vécu de l’intérieur, et de sa logique impitoyable.
L’effroi avec lequel est décrit le revirement du régime (on peut penser aux ruptures successives de l’Albanie avec l’URSS puis la Chine de Mao qui ont donné lieu à des purges sanglantes), au milieu desquels Mark-Alem et sa famille sont comme des fétus de paille pris dans un cyclone, marque durablement le lecteur. L’angoisse et la crainte que l’auteur ne cesse de distiller jusqu’à la fin font de ce court roman une œuvre terrifiante, et certainement l’un des grands textes écrits sur le totalitarisme. Une dystopie incontournable, tout simplement.
"Depuis longtemps, j’avais envie de construire un enfer. Je mesurais pourtant ce qu’avait d’ambitieux et même de chimérique un pareil projet à la suite des anonymes égyptiens, de VIRGILE, de Saint AUGUSTIN et surtout de DANTE."
Ismaïl