Mais la conclusion de ce test dépend toujours d’une interprétation, celle de l’agent chargé du contrôle des résultats. Une responsabilité bien lourde quand il est question de vie et de mort. D’autant plus que ce test ne fonctionne que sur des sujets encore enfants…
Si Les Cybers ne sont pas des hommes entretient une parenté pour le moins évidente avec Blade Runner, il s’en démarque bien pourtant. Dès sa première page d’ailleurs. Car ici, le test qui permet de déterminer si le sujet est humain ou non ne se fait pas à l’aide d’une machine si sophistiquée qu’elle en donne presque l’impression d’être douée de vie, mais à travers un simple jeu d’images ; et l’agent en charge de l’évaluation ne base pas son verdict sur des réponses d’ordre physiologiques – et donc incontrôlables de la part du sujet – mais sur des commentaires élaborés en réponse à la découverte progressive de ces images – soit des réactions falsifiables par un sujet averti. Voilà pourquoi le test ne fonctionne que sur des enfants : un cyber adulte, lui, pourrait jouer la comédie.
Ainsi, le sujet du test pose-t-il d’emblée le contraste avec le film de Ridley Scott : en tant qu’enfant, il est forcément innocent et non une « machine folle » désireuse d’infléchir son destin au mépris de la vie des autres. Pourtant, il arrive tôt ou tard que le sujet s’avère positif et se retrouve ainsi condamné à mort. Une fatalité d’autant plus insupportable que le sujet lui-même ignore sa nature de cyber pour commencer : déjà qu’on l’accuse d’être ce qu’il n’a pas choisi d’être, en plus il ignore être interdit de vivre… Mais le pire advient encore dans la conclusion du récit, et notamment dans sa toute dernière phrase, même si une lueur d’espoir a brièvement traversé l’histoire une page plus tôt – car cette fin redéfinit tout le postulat de base de l’ouvrage, à travers une mise en abîme plus adroite qu’elle en a l’air au premier abord…
Mais la facture de l’ouvrage elle-même en fait un objet à part, et surtout en reflétant une complémentarité aussi inattendue que bienvenue du fond et de la forme. Car au lieu de décrire au lecteur – et plus ou moins laborieusement – les images que le sujet du test commente, celles-ci font partie intégrante du livre : au contraire de ce que le premier coup d’œil peur laisser penser, Les Cybers… n’est pas un livre d’images, ni même un simple récit illustré d’ailleurs ; parce que ces images incluses dans le livre sont celles du test qui, lui, s’adresse à des enfants, et notamment à travers une aventure si simple qu’elle ne demande ni paroles ni explications. Pour cette raison, le lecteur se verra bien avisé de ne pas juger ce nectar à son flacon – les lettres et les images, ici, se complètent bien, mais pas de la manière traditionnelle.
On retrouve ici en maîtres d’ouvrage François