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Ce qui frappe dans son style graphique, et qui a attiré mon attention sur lui il y a maintenant plus de 20 ans, c’est l’épuration du trait. S’il rend ici et là des hommages, ou fait en tous cas des clins d’œil, et surtout dans ses premières productions, aux œuvres classiques de la BD franco-belge, cet artiste démontre une maîtrise tout à fait remarquable du dessin à travers un graphisme minimal où il n’y a jamais un seul trait de trop – tout comme le fit à son époque le très regretté Yves Chaland en relançant le style dit « ligne claire » jadis créé par Hergé. Mais ce style, ici tout de même considérablement modernisé, n’empêche pas pour autant Kuijpers de faire abonder les détails dans ses planches – d’une manière qui évoque un peu Margerin d’ailleurs – au point qu’on peut se voir parfois pris de tournis en les examinant de près.
Il aime les femmes aussi : il suffit de regarder de quelle manière il les représente. D’ailleurs, on s’étonne que des tenues aussi légères abondent à ce point dans une œuvre pour la jeunesse ; mais j’ai cru comprendre que sa série est passée au fil du temps d’un magazine à l’autre, dont l’audience est plus âgée. Pourtant il leur donne aussi le beau rôle, à la façon d’un Roger Leloup, l’exotisme en moins, et dans ce sens il est tout à fait dans la lignée de son temps qui a vu éclore le féminisme. Pour toutes ces raisons, je regrette que son œuvre soit aussi peu connue chez nous, même si je sais bien que le public français n’est pas très ouvert à la nouveauté ou à la différence.
Les racines européennes de l’inspiration de Kuijpers se trouvent aussi à la base même du récit, du moins dans le cas précis de cette quatrième aventure de Franka. Car cette aventure qui démarre sur les bords d’un quai suite à la trouvaille d’un objet inhabituel se poursuit ensuite à travers le monde entier, ou presque, à la manière de ces « Voyages extraordinaires » que popularisa jadis Jules Verne et qui devinrent par la suite le leitmotiv à l’origine de bien des œuvres dont beaucoup entrèrent dans la légende : rappelez-vous…
Reste l’histoire proprement dite. Quelque part entre le polar (ou assimilé) et l’aventure (dans tous les sens du terme), Les Dents du Dragon est une de ces invitations au voyage fantastique vers ces contrées parfois oubliées d’une enfance qui a su bien grandir : on ne boude pas un tel plaisir.