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Car le récit ne reprend ici que le postulat de départ de l’œuvre d’Arthur Conan Doyle évoquée dans le paragraphe précédent : c’est bien d’une histoire de survie dans un monde hostile dont il est question au final – saupoudré d’un petit air de La Guerre du feu pour couronner le tout – mais, et c’est là l’originalité, à travers les tribulations de jeunes femmes au lieu d’hommes aguerris. Sans plus aucune arme que leurs petites mains et leurs cerveaux à la fois bien faits mais aussi bien remplis, nos demoiselles devront apprendre par elles-mêmes tout ce que n’enseigne pas la civilisation moderne mais qui leur sera pourtant indispensable dans ce contexte hors du temps…
C’est ce contraste qui sous-tend chacun de leurs instants, ce qui les pousse à chercher une sortie hors de cet enfer mésozoïque mais aussi, hélas, qui menace de les anéantir à tous moments : pas seulement parce qu’elles ne sont pas habituées aux circonstances, mais aussi parce que leurs souvenirs de la vie du dehors prennent parfois le pas sur leur nouveau quotidien en les exposant ainsi à des dangers qu’elles pourraient mieux éviter si elles étaient plus concentrées sur leur situation actuelle.
Mais ceci se traduit aussi à travers les divergences d’intérêt entre chacune d’elle : si deux d’entre elles travaillent activement à trouver une issue à leur situation, la troisième par contre semble tout à fait heureuse de pouvoir étudier in vivo le sujet de recherche que représente ce mésozoïque préservé… Ainsi monte peu à peu la tension, ce qui rajoute d’autant plus de sel à une situation pourtant loin d’être reposante au départ. Et puis, bien sûr, la conclusion de l’album réserve son propre lot de surprises, juste histoire de terminer l’aventure sur une note pour le moins… explosive.
Mais, on s’en doute bien, l’issue du récit sera heureuse malgré tout : il en va ainsi de toutes les aventures – autrement elles seraient des tragédies. Pourtant, elle ne finit pas non plus comme une histoire de Tintin, car en dépit de toute l’affection que porte Kuijpers à l’œuvre d’Hergé, il ne fait pas pour autant partie de la même génération : il est plus moderne, plus nuancé dans son approche des personnages et de leurs relations entre eux, et puis surtout il s’adresse dans ce cas précis à un public plus âgé que celui de ses productions précédentes…
Reste les données « scientifiques » de l’histoire : l’auteur nous fait ici une belle démonstration de ses capacités à manipuler des éléments somme toute assez techniques – que ce soit sur la géologie ou la mécanique des fluides – et qui, même s’ils ne trompent personne, parce que trop sommaires pour être pleinement convaincants, rendent néanmoins son récit bien palpable pour ainsi mieux faire surgir l’aventure dans le quotidien le plus banal.
En renouvelant avec adresse mais aussi une certaine dérision un poncif du récit d’aventure, Henk Kuijpers parvient en l’espace de moins de 50 planches à saisir toute l’essence du genre : le dépaysement, le frisson, la curiosité, l’humour,… Bref, le divertissement. Celui qui continue à habiter le lecteur bien longtemps après qu’il ait tourné la dernière page.