Il existe un "Labyrinthe des Rêves" (sous-titre du roman en français) Il y a des merveilles cachées dans le labyrinthe. Des cités s'élèvent de la brume en une seule nuit et s'évanouissent au matin. Des forêts y poussent et les vagues d'un océan se brisent sur une plage de sable diamantin. Il est peuplé d'anciens dieux, de diables et de démons. Et même de dragons[...] J'ai entendu dire qu'il y coule un ruisseau si pur que ceux qui y boivent redeviennent jeunes. Je veux y aller boire. Oh ! retrouver ma jeunesse...
De toute la péninsule italienne de la Renaissance, certains y vont volontairement, d'autres vont s'y trouver entraînés, tous y seront éprouvés, sous un masque ou un autre, par un masque ou un autre.
Ceux qui partent de Venise :
Anna Forsetti, la créatrice de masque Seuls les masques Forsetti pouvaient se vanter de représenter à la fois l'humour et la tragédie.Un moment, ils exprimaient le ravissement, la seconde d'après, le mépris. Ils pouvaient jeter des regards concupiscents et ils pouvaient pleurer. Ils pouvaient cracher des obscénités et ils pouvaient chanter de la poésie. Ils se hérissaient d'arrogance. que des épines torturent et empêchent de créer,
Sa fille, Mirabella, si complexée dans l'ombre de sa mère et derrière ses grosses lunettes, qu'elle ne sait plus quels sont ses désirs,
Don Gianlucca, le prêtre dépravé,
Roberto, l'amoureux transi d'Anna.
Ceux qui partent de Milan :
Simonetta, la prostituée qui, après avoir tué un amant brutal, s'enfuit avec le cheval, l'épée et les vêtements de
Rinaldo Gustiano, le mercenaire que l'amour de l'épée a maudit, et qui court après Simonetta pour se venger, alors même qu'il l'aime.
Ceux qui partent de la côte ligure :
Fabrizio, qui sait qu'il est un comédien-né... quand il peut ne pas bégayer,
Erminia, la sirène rendue muette par la tête d'Orphée.
Ceux qui vivent dans la cité de Laberinto :
Zizola, la mendiante, qui se révèlera bien sûr fille de roi dans le Labyrinthe,
Giano, sorte de Sganarelle, valet de
Lorenzo, l'homme de loi qui a verrouillé à triple tour, après la trahison de son épouse, la porte de son coeur, et son talent de poète.
Et du coeur du volcan, viendra la Malédiction de Zizola.
La règle du jeu :
Nous devons tous arriver au centre si nous voulons trouver le moyen de ressortir du labyrinthe. Mais chacun y parvient par son propre chemin.
Une trame qui était déjà classique avant l'invention de la SF, mais bien traitée, avec des personnages auxquels on ne peut s'empêcher de s'attacher, et des clins d'oeil aux contes (La Belle au Bois Dormant) et autres références littéraires, qui empêchent d'en voir de simples redites, mais une création originale à partir d'elles. Le style d'écriture est littéraire, agréable à lire.
Ce roman a récemment été réédité en Folio SF, et il peut sans doute être considéré comme une uchronie, même si à mon sens il ressort plutôt au domaine de la fantasy, voire même du fantastique. En fait, il me paraît difficile à classer, mais les amateurs de SF pure et dure ne l'apprécieront peut-être pas, sauf à être par ailleurs fans de l'ambiance "commedia dell'arte".
C'est le premier roman de cette auteure, et il a reçu en 2001 le Mythopoeic Award du meilleur roman.
A mon avis, pas un chef-d'oeuvre, mais un bon roman de divertissement, original et que j'ai trouvé très agréable à lire, et même à relire.
Un dernier extrait, pour la route :
Le vrai héros, c'est celui qui sait que, le plus souvent, c'est le dragon qui est dans la damoiselle, et non l'inverse [...]. Pouvez-vous aimer votre damoiselle, même si elle vous montre les crocs ? Pouvez-vous embrasser ce qui est terrifiant en elle aussi bien que ce qui est aimable ? Mes créations, pourtant si brillantes, ne sont que des accessoires destinés à ceux qui voudraient jouer le rôle de l'Innamorato. Et beaucoup ne dépassent même pas ce défi. Mais l'amour véritable, signore, doit être prêt à lever le masque et baiser ce qui se cache derrière.