Chef-d'oeuvre ? Absolument !
Voici certainement l'un des livres les plus fins et les plus intelligents que j'ai lu depuis très très très longtemps.
Comme l'indique la 4e de couverture, l'Angleterre et la France ont perdu la Première Guerre mondiale. Si la France et l'Allemagne se sont réconciliées, l'Angleterre s'est enfoncé dans la crise.
Après une succession de coalitions farfelues et vouées à l'échec, elle a enfin trouvé son salut.
John Arthur, l'homme providentiel, fondateur du Modernisme et de la Très-Grande-Bretagne, qui a su redonner le courage et l'espoir à son peuple. Des grands travaux routiers à la télévision, d'un système de santé performant et accessible à tous, il a changé le visage du pays, et l'a relevé des crises successives, ainsi que de la perte de l'Irlande.
Bien sûr, cela ne s'est pas fait sans casse.
Les Irlandais, les Juifs, les Tziganes et les homosexuels sont devenus la cinquième colonne. Le parlement n'existe plus, mais la prospérité économique est là. Alors à quoi bon s'inquiéter quand on est un bon WASP hétérosexuel, avec une famille méritante ?
Ce long descriptif n'est en fait qu'un simple décor. Car la véritable histoire n'est pas là. L'histoire, c'est celle d'un universitaire, historien et homosexuel, sexagénaire et rongé par un cancer du poumon qui l'emportera. Mais le cancer n'emportera pas que notre universitaire, il emportera aussi le lourd secret qu'il détient sur John Arthur. Ce dernier prétend l'avoir eu pour professeur, quand il n'enseignait pas encore en université. Leurs âges respectifs semblent valider cette hypothèse, mais un peut-on seulement faire confiance à un dictateur ?
Chant du cygne d'un homme rongé par un mal incurable, ce roman est surtout une introspection et une incursion dans la vie du personnage et surtout dans son passé, où se trouve le fameux secret. Un homme se souvient, avant que la mort ne l'emporte.
Superbement écrit, ce livre est une oeuvre magistrale. Initialement paru en novella, il a obtenu le World Fantasy Award. La version roman du texte n'a été publiée qu'en France. Le style est brillant, britannique en toutes circonstances, et c'est un régal pour le lecteur.
Brillante réflexion sur les mécanismes de la tyrannie, il montre comment un dictateur peut-être aimé mais surtout désiré.
La réflexion sur l'Histoire est aussi passionnante, quoi que certains puissent la trouver un rien pessimiste.
Nous avons donc au final un livre superbement écrit, une histoire passionnante, et d'intéressantes réflexions sur la tyrannie et l'Histoire.
La traduction est excellente (Michelle Charrier traduit Priest).
Le tout est en poche, donc à prix modique.
Quelle raison avez-vous de passer à coté du livre ?
Aucune, tout simplement.