Et oui, ça existe. Et
Lahana
de nous en faire une étude selon ce plan :Introduction :
Un rapide historique, à partir de "L'an 4338" de V.Odoïevski, qui date de 1839, jusqu'à la date de cette étude, soit 1979. En passant par la révolution, post-révolutionnaire et soviétique. Une évolution qu'on dira rapidement :
- amorce précoce (1839 donc) avec influence de verne et de wells. Figure importante : K.E.Tsiolkovski.
- l'ère révolutionnaire voit des thèmes science-fictionnels intégrés dans un moment littéraire bouillonnant. Les revues de sf apparaissent dès 1925. Figures importantes : Beliaev, Boulgakov et Zamiatine (qui a influencé 1984).
- la période stalinienne, peu ou prou (28-56), avec une "mise en veilleuse" de la sf.
- Un renouveau, grâce à Efremov et son "La nébuleuse d'Andromède", qui ouvre une faille dans laquelle s'engouffrent de nombreux auteurs, dont les frères Strougatski.
Le monde utopique
Un genre en vogue à la fin du XIXème, qui va trouver sa niche dans la sf post-révolutionnaire. Il s'agira bien sûr d'utopies communistes.
Lahana
s'emploie à décrire les options choisies par les auteurs sur les thèmes de l'organisation sociale, la vie quotidienne, l'art, le travail, la famille, l'éducation, les femmes, l'amour, le citoyen héros et la mort. Elle précise que "l'utopie communiste telle qu'elle apparaît à travers les romans de SF soviétique est une utopie généreuse, altruiste, ouverte et dynamique, qui donne beaucoup à l'homme mais qui reste très exigeante", "créée par l'homme pour l'homme, au prix d'un effort perpétuel et d'une discipline librement consentie" mais "qu'aucun étranger à l'Utopie ne peut y pénétrer malgré les affirmations d'une utopie ouverte (...ce qui...) limite considérablement (sa) portée".Les mondes non-utopiques
L'auteur nous précise les sociétés contre-utopiques abordées : la société fasciste, oligarchique, technocratique. S'ajoute une partie sur "le héros et les autres" qui détaille les problèmes que posent la rencontre entre l'homme-citoyen (égal à Dieu) et des sociétés contre-utopiques. Bien sûr, on peut imaginer qu'il est bon, pour se faire bien voir, de glisser des critiques acerbes sur la société capitaliste.
Les mondes parallèles :
Par ce qu'il ne faut pas penser que la sf soviétique ne veut que chanter louanges au communisme, et jeter la pierre au capitalisme, loin de là. Quand on a des mondes parallèles, on peut en faire le comparatif, c'est-à-dire, au final, critiquer la société contemporaine. On retrouvera dans la sf soviétique : le communisme et le capitalisme du XXème (mais rarement), ou des sociétés futures où le XXème apparait soit éloigné ("rapetissé" dit l'auteur), soit grossi ("la caricature et l'outrance, ce qui permet une critique plus partielle mais qui porte d'avantage).
En effet, si on peut imaginer (ils apparaissent en filigrane) des auteurs de sf, conservateurs, dont le but est de prouver le mérite du communisme contre le capitalisme, dans des ouvrages sans doute moins lu du public, ce n'est pas à ceux-ci que s'intéresse
Lahana
. Et les auteurs dont il est question ici (Efremov, Strougatski, Gor...) ont différents moyens pour adresser leur critique de la société et du pouvoir en place. Tout d'abord, l'utopie, en décrivant un monde parfait, montre et démontre toutes les imperfections du système en place. La contre-utopie peut fort bien, sous couvert de dénoncer des excès capitalistes ou fascistes, cibler des logiques à l'oeuvre en URSS. On voitaussi l'exemple d'un ouvrage qui, critiquant l'abondance des biens dans une société capitaliste, produit pernicieusement l'effet inverse : on voudrait bien y être un peu !... La sf soviétique peut donc être critique. Elle dénonce les excès, les erreurs, la bureaucratie, la délation, les camps, bref, la sf fait son boulot, et même le boulot d'autres... Pour preuve, un extrait de L'escargot sur la pente des frères Strougatski.
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On voit que la description est claire et sans équivoque. Ce coup-ci, les auteurs sont allés trop loin. Le livre sera interdit. Car la censure, bien que n'appliquant pas - les parutions le prouvent - la tolérance zéro, veille à garder les limites, et la critique, avec son camp de conservateur, peut être mordante. C'est le sujet du chapitre suivant :
Science-fiction et critique
Comme il avait été dit précédemment, la nébuleuse d'andromède fait l'effet d'une bombe. Après un long ensommeillement de la sf, car "seul Staline peut prévoir l'avenir" et qu'il est bon que la sf se limite au plan quinquennal (!!!), un auteur apporte un récit qui se passe dans 20 siècles... Voilà qui va entretenir une polémique de 4 ans (!), de 59 à 62. C'est "l'affaire efremov". Malgré les critiques virulentes (d'un bord comme de l'autre), la sf s'engouffre dans la brèche et respire enfin : c'est reparti ! Le débat, à partir de 61, porte sur les nouveaux auteurs et l'utilité de la SF. C'est là que naît l'affaire Strougatski (62-70) qui aboutira à l'interdiction de deux romans.
Cependant, certains lecteurs y auront accès, car des critiques, pour "étayer" leur propos, l'illustre de longs passages...!!!
Les deux affaires sont détaillées sur plusieurs pages passionnantes.
Suit des remarques, et une petite études sur le lectorat sf (un ENAURME lectorat), et sur la réception de la sf américaine en URSS tout comme la réception de la sf soviétique aux US (et entre intérêt et refus caricatural, les uns valent les autres).
La conclusion vient boucler ce livre, dont les éléments sont bien sûr intéressants. La mienne boucle la chronique : J'en ai retiré, outre une vision rapide de la sf soviétique, une liste d'auteurs et de livres, dont certains font bougrement envie. Un éclairage sur un lieu et une époque à travers l'histoire de la sf. Comment la sf, quand elle s'en donne les moyens, peut-être, dans certaines périodes, et de part sa spécificité, une arme critique efficiente.
Je regrette cependant que le style de l'auteur ne soit pas un peu plus vivant, et même un peu plus clair dans sa structure. Je regrette aussi de ne pas avoir vu certains auteurs plus developpés, notamment Stanislas Lem. Les oeuvres citées sont aux nombres de 46. On aurait également apprécié un index des auteurs et livres cités avec référence de la page.