Cette adéquation de la forme avec le fond, à moins que ce ne soit l'inverse, est un des charmes du roman. Elle est aussi symptomatique du texte qui évite le sérieux avec un peu trop de persévérance à mon goût. Les pirouettes ont leur lieu - la foire -, la légèreté est une qualité, mais à force de sautillements elle pourrait s'épuiser.
Ce Manuel à l'usage des apprentis détectives est en somme un roman d'apprentissage. Il a échangé le jeune homme de bonne famille flaubertien pour un vieux garçon confit dans ses rapports et ses habitudes.
Jedediah
Berry
navigue entre l'atmosphère d'un film noir et le roman fantastique. L'ambiance du film noir est introduite dès le départ, avec le mystère que représente la femme au manteau à carreaux, son attente quotidiennement déçue sur un quai de gare, la fascination qu'elle exerce sur le clerc-futur-promu-détective-malgré-lui, et par la suite les femmes fatales,les imperméables et la pluie. A la fois Chandler et Bogart. Quant au fantastique, il provient de l'absence de repères, que le roman se refuse à donner. Il en émane une ville, portuaire, avec des bars interlopes, une agence de détective toute puissante, un aspect retro (chapeaux de rigueur, machines à écrire plutôt qu'ordinateurs à traitement de textes, coursiers plutôt que téléphones, sms et mail, ...). Il découle aussi de cette plongée du héros dans l'inconnu et le rêve. Un peu lovecraft, un brin Sturgeon.Roman malicieux, intelligemment construit - bien qu'un peu trop léger et long à mon goût - on passe un agréable moment en compagnie de Charles Unwin, de Mle Greenwood, des frères Rook, de la femme au manteau à carreaux, d'Emily Dopper, de cette ville tiraillée entre le chaos de la foire et l'ordre de l'agence.
Il semblerait même que les parapluies finissent par se fermer et les chaussettes par sécher.