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Gui

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Jaime Hernandez (dessin), Gilbert Hernandez, Mario Hernandez, Dean Motter (scénario)

Mister X


Mister X
Mise en couleurs : Paul Rivoche, Klaus Schönefeld
Titre original : Mister X
Première parution : 1983

 Pour la présente édition :

Editeur : Ædena
Collection : Bd.us
Date de parution : octobre 1986
Nombre de pages : 95
ISBN : 2-905035-30-7

La critique du livre
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Planche intérieure
Planche intérieure
Le futur proche. Des égouts de Radiant City, un homme surgit pour rendre son rôle initial à cette ville de cauchemar : conçue comme lieu d’expérimentation à grande échelle pour une architecture révolutionnaire capable de rendre ses habitants heureux, cette utopie pervertie par les lois du marché est à présent rongée par le crime et la folie. D’avenues en ruelles, par ces passages dont il a le secret, Mister X affrontera bien des zones d’ombre de cette cité dégénérée pour réparer tout le mal qu’il a jadis laissé se répandre…

Il arrive parfois que la ville tienne lieu de sujet dans les récits de science-fiction, et surtout sur les médias visuels. Au cinéma, par exemple, Metropolis (Fritz Lang ; 1927), Blade Runner (Ridley Scott ; 1982) et Dark City (Alex Proyas ; 1998) viennent immédiatement à l’esprit ; en BD, la série Les Cités obscures (François Schuiten & Benoît Peeters ; 1983) reste célèbre ; J. G. Ballard l’explora dans sa nouvelle La Ville concentrationnaire (Build up ; 1957). On pourrait multiplier les exemples tant ce thème a inspiré les auteurs du monde entier : tantôt théâtre, tantôt personnage, la ville joue souvent un rôle majeur dans le récit qui la met en scène – à l’instar de l’architecture, ou plutôt de l’urbanisme, elle conditionne notre vie de tous les jours sans même qu’on remarque son influence, ce qui lui donne donc une place de choix dans les fictions…

Mais à ma connaissance, Mister X (1983-1990) reste le seul exemple de fiction où la cité est à la fois théâtre et sujet. Théâtre, car l’action s’y déroule ; sujet, car sans elle le récit ne peut exister. Si la première condition appartient au registre du banal, la seconde se montre beaucoup moins fréquente – rares sont les villes vraiment uniques après tout. En fait, Radiant City présente une conception toute particulière : son architecte l’a bâtie à l’aide d’une science qu’il a inventée et nommée « psychétecture » – la disposition de ses rues et de ses façades, et derrières celles-ci l’organisation des pièces des appartements influencent l’humeur de ses habitants : elles conditionnent leurs rapports aux autres, leur comportement, leur être profond enfin ; bref, la ville fait sienne ses habitants.

Par de subtils jeux de formes et de couleurs, d’imbrications des lieux et des espaces, elle représente l’ultime aboutissement du Modernisme, ou du moins du rêve que ce domaine souhaitait atteindre à travers une exploitation toute scientifique – à défaut de purement technique – des données les plus récentes à l’époque de la rationalité ; on peut rappeler que l’architecte Frank Lloyd Wright chercha longtemps une telle utopie urbaniste, talonné de près par Le Corbusier et bien d’autres – tous échouèrent d’ailleurs, pour des raisons bien assez évidentes… Mais dans ce récit de fiction, la « psychétecture » devint une réalité, avant de se voir détournée en laissant ainsi le projet Radiant City rongé par la criminalité mais aussi la folie latente et les névroses lourdes de ses habitants – celles-là même que la ville leur induisait à travers sa conception bancale.

Sur le plan strictement artistique, ce comics montre des emprunts évidents à de nombreux styles de l’aube du XXe siècle, et surtout ceux développés à l’école du Bauhaus ou bien par les mouvements Art Déco et l’Expressionnisme allemand ; le film Metropolis déjà évoqué plus haut, ainsi que des publications de design graphique telles que RAW et The Face exercèrent eux aussi une influence profonde sur la facture visuelle de Radiant City ; sans compter toutes celles que les auteurs n’ont jamais nommé. Il résulte de toutes ces inspirations une atmosphère unique dans son universalité, étrange dans la familiarité : on y est chez soi et ailleurs à la fois, dans un présent où le passé et le futur s’entremêlent en un vaste anachronisme au parfait équilibre visuel.

Mais ce fut aussi l’occasion d’émerger pour des personnalités de grand talent tels que les frères Jaime, Mario et Gilbert Hernandez ou bien, dans les tomes suivants de la série, le canadien Seth, ainsi que les britanniques Shane Oakley et D’Israeli – tous appelés à devenir des auteurs majeurs de l’industrie du comics à travers nombre d’œuvres personnelles. Leur art alors en gestation sert ici avec grand brio un concept échafaudé par un Dean Motter dont Mister X reste encore à ce jour la création la plus emblématique.

Œuvre pour le moins frappante, tant par ses visuels uniques que par son idée originale et son atmosphère hors du commun, Mister X fait partie de ses classiques oubliés à redécouvrir de toute urgence.

Notes :

L’influence de Mister X peut se voir dans les films Brazil (Terry Gilliam ; 1985), Batman (Tim Burton ; 1989) et Dark City (œuvre citée), ce que leurs réalisateurs respectifs ont d’ailleurs confirmé. Quant à l’identité visuelle de cette série en général, elle servit aussi à illustrer au moins deux albums rock : le personnage de Mister X lui-même pour Megatron Man (Patrick Cowley ; 1981) et la ville de Radiant City pour Visions of our Future (The Tenants ; 1984).

Cette édition ne comprend que les quatre premiers numéros de la série dans son format original canadien mais propose néanmoins un récit complet. Si cet album reste assez difficile à se procurer, une réédition de la série complète est disponible depuis peu en langue anglaise chez Public Square Books (deux volumes).



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