Moret
nous fait ici un premier bilan des résultats de ces recherches, et le premier constat qui en résulte est que ce pari reste loin d’être gagné…Il faut dire aussi que quand la physique quantique se mêle à des expérimentations, les choses deviennent vite compliquées – simple question d’« Effet tunnel », entre autres inconvénients typiques des quanta. Mais il faut surtout se rendre à l’évidence : la théorie demeure incapable d’anticiper toutes les subtilités de la réalité. De sorte qu’en dépit du travail de théorisation tout à fait admirable de Drexler, et qui a suscité de nombreuses vocations sans lesquelles notre compréhension du monde serait demeurée bien plus restreinte qu’elle ne l’est aujourd’hui, les époustouflantes avancées techno-scientifiques qu’il évoquait dans son livre se cantonnent au domaine du « rêve ».
Ce qui ne veut pas dire que les nanotechnologies en elles-mêmes constituent une impasse, bien au contraire : elles s’avèrent juste un peu plus compliquées à domestiquer que ce qu’on aurait pu croire. De ces diverses techniques, qui vont de l’observation à la manipulation en passant par la localisation et la mesure, Roger
Moret
propose une liste bien sûr très loin de l’exhaustif mais qui a le mérite de se situer dans les limites du factuel, du tangible. C’est l’occasion pour le lecteur de comprendre combien ce nouveau champ d’étude et d’expérimentation s’avère aussi fondamentalement différent de tous ceux qui l’ont précédé – de par l’instrumentation même qu’il requiert.Mais c’est aussi à travers une brève présentation de ce « nanomonde » et de l’utilité qu’il représente que brille cet ouvrage : Roger
Moret
ne se contente pas ici de lister les méthodes, mais bien d’expliquer pourquoi on les a développées – en d’autres termes, il nous explique pourquoi ces nanotechnologies sont un des champs d’étude les plus importants de l’avenir : loin de l’utopie d’une corne d’abondance trop souvent annoncée, il s’agit surtout d’un des meilleurs moyens de produire des matériaux toujours plus robustes à un coût toujours moindre et dans des conditions de fabrication toujours plus sûres pour les techniciens comme pour l’environnement.Bref, c’est un élément prépondérant des progrès technologiques, et donc sociaux, de l’avenir immédiat. En sont témoins les quelques réalisations parvenues depuis peu non dans le registre du banal mais au moins dans celui du réalisable : nanotubes de carbone, 100 fois plus résistants que l’acier mais six fois plus légers et plus flexibles ; autonettoyant nanomètrique, qui empêche la saleté et la poussière de s’y fixer ; colle sans adhésif, basée sur des films de polymères tapissés de poils de taille submicromètrique ; capteurs et filtres anti-polluants améliorés par nanostructuration ; perfectionnement des panneaux photovoltaïques ou de la thermoélectricité,…
Et il ne s’agit que de ce qui est actuellement réalisable, non de ce que l’avenir nous réserve mais dont l’auteur nous présente néanmoins les possibilités les plus à même de se concrétiser effectivement d’ici très bientôt. Il reste encore à répondre à la question la plus importante : qu’en ferons-nous ? Voilà pourquoi les derniers chapitres concernent les problèmes éthiques ainsi que les débats et choix de société qui s’imposeront eux aussi. Tôt ou tard.
Car c’est bien connu : on n’arrête pas le progrès…
(1) je n'ai pas enregistré cette chronique ici car Cyril nous avait déjà proposé la sienne...