En 1953, 4 ans avant le Spoutnik, premier sattelite artificiel, Tintin se prépare pour aller sur la Lune...
Et Hergé nous donne un tableau saisissant de cette préparation...
Mais commençons par l'histoire :
Elle est somme toute maigrelette : Le professeur Tournesol travaille en Syldavie dans un centre de recherches atomiques. Il participe à la construction d'une fusée lunaire.
Tintin et Haddock sont conviés, un peu à l'insu de leur plein gré, à participer à ce voyage extravagant. Il séjourneront donc dans le centre.
Un séjour quelque peu tendu : une puissance étrangère essaie de dérober les secrets de la fusée. Comment l'en empêcher ?
Explications techniques et espionnage sont dont les mamelles de cette aventure, qui n'est, en quelque sorte, que l'introduction au second opus : On a marché sur la lune...
Il y a cependant un troisième axe, et nous allons commencer par celui-ci : l'humour.
Toute la difficulté d'Hergé est de nous fournir toute sa vision des technologies et préparatifs nécessaires au voyage lunaire, sans plonger le lecteur dans l'ennui le plus profond...
Or, on est loin, très loin des scénario à rebondissement, bourrés d'action, qui ont pu servir d'inspiration pour Indiana Jones !!!!
Le Capitaine Haddock est, de ce point de vue une arme sûre, bien qu'un peu surrexploitée : sorte de Chaplin des temps modernes, Haddock s'écrase le nez, tombe dans des trous, se déguise, bref il fait le zouave... Hergé n'a sûrement pas été dupe de cette surenchère, quand il fait dire à Tournesol : "est-ce que vous le faites exprès ? Chaque fois qu'il y a un moyen de vous cogner ou de vous étaler les quatres fers en l'air, vous ne ratez pas une occasion, saperlipopette... !"
Haddock se trouve, heureusement pour lui, épaulé dans cette tâche ingrate de distraire le lecteur d'un récit un peu sec : par Tournesol - crise de nerf, et amnésie - et par les dupondt...
L'espionnage
Deuxième ressort qui donne une respiration au lecteur : l'espionnage. Un loup - :) - est dans la bergerie, qui donne des informations à la puissance ennemie. Mais de qui s'agit-il ??
On peut mesurer toute la finesse dont est capable Hergé, notamment autour du personnage de Wolff. Dans des scènes rapides et d'une grande simplicité, l'air de rien mais avec précision, Hergé nous amène à le suspecter. Exemple : la fusée expérimentale est détournée. L'enervement gagne les techniciens. Baxter, le directeur, vient aux nouvelles et s'adresse à Wolf :
"- Quelque chose qui ne va pas, Wolf ?...
- La fusée dévie de sa route... Je ne sais pas ce que c'est..."
"Je ne sais pas ce que c'est..." drôle de phrase, et belle utilisation de la dénégation.
L'anticipation technologique
Hou !!!!
Je n'aurais pas les moyens d'aller bien loin sur ce plan.
Certes, les scaphandres sont un peu... sous-marins. Certes, le moteur atomique est un peu avancé. Mais quel bel et étonnant effort d'anticipation !!!
Hergé s'en donne à coeur joie, et nous fait visiter une pile atomique et nous explique le fonctionnement, nous donne son plan (rapide) de sa fusée lunaire, nous la fait visiter (la colère de Tryphon n'est qu'un bon prétexte) et détailler les parties.
Les préparatifs sont assez réalistes : tests préalables des technologies (scaphandre à température et pression basses), bureau d'étude, fusée miniature expérimentale pour vol d'essai, et nombre de détails et explications techniques...
La fusée rouge et blanche reste encore un symbole fort. Elle ressemble un peu à un V2 - :( -, soit, mais après tout, Von Braun n'a-t-il pas été récupéré par les américains, et fini par travailler sur la fusée Saturne...????
v2 : http://it.wikipedia.org/wiki/Immagine:Razzo_V-2_%28museo_Peenemunde%29.jpg
Objectif lune et sa suite sont sans doute la grande oeuvre de Hergé pour la science-fiction. Une oeuvre qu'on pourrait presque qualifier de Hard-science ?
Hergé se range au côté de Verne - dont il s'est en partie inspiré, parait-il.
Il nous laisse, à la fin de ce premier volume, sur un suspens insoutenable - :) -
- allo, ici la Terre, j'appelle fusée lunaire....
- allo, allo... j'appelle fusée lunaire... allo ! allo !
... insoutenable, et qui nécessitera, sans doute, une chronique supplémentaire pour On a marché sur la lune...