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fabieng

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Osamu Tezuka

Phénix, l'oiseau de feu


Phénix, l'oiseau de feu
Série : Phénix

 Pour la présente édition :

Editeur : Tonkam
Nombre de pages : +3000

La critique du livre
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Difficile de parler de l’œuvre protéiforme " Phénix ", gigantesque manga fleuve de 11 tomes d’environ 200/300 pages chacun, soit entre 2000 et 3000 pages de BD (une vie pour un auteur français, une infime partie de l’œuvre de Tezuka), difficile justement parce qu’elle est protéiforme ! 11 tomes qui ne font pas tout à fait une série, mais une suite d’histoires complètes différentes autour d’un thème unique :

Il faut boire le sang de l’oiseau éternel Phénix pour devenir immortel ; une goutte de son sang vous assure l’éternité.

11 tomes sous formes de parties de chasse donc, pour réussir à capturer ou tuer la bête. De l’ambitieux et cruel chasseur, au simple rêveur attiré par la beauté et le mystère de l’animal légendaire. Du héros enfantin prêt à tout pour sauver sa belle mourante, à l’empereur japonais prêt à mettre en faillite son éternel empire pour une petite goutte de sang de bête. 11 parties de chasse vaines car le Phénix s’échappe toujours. Et s’il se laisse approcher, c’est qu’il a ses raisons …

Des récits qui tantôt décrivent la fondation du japon immémorial, tantôt son déclin post apocalyptique ou son avenir radieux de civilisation stellaire : " Phénix ", l’œuvre, plonge tour à tour aux racines des mythes les plus obscures et aux zéniths de civilisations extra-terrestres. Un grand écart temporel au service d’une même idée de l’immortalité : la permanence de la nature, personnifiée en paon incandescent.

Car c’est le rôle de cette étrange bête aux yeux langoureux de femme-oiseau : être le témoin des avanies et des petites histoires humaines ; même les plus épiques sagas, les plus éternels combats, les plus puissantes civilisations, s’effacent sous le regard du Phénix. Juste des cendres éternelles vouées à disparaître dans l’infinie du cosmos et du temps. Le dessin seul de ce regard de bête compatissante et bienfaitrice, est un grand moment de la bande dessinée, et sans doute un de ses plus beaux personnages : Phénix n’est pas un juge terrifiant, une puissance terrible à qui se vouer, un dieu moraliste qui se joue du ridicule de notre agitation, c’est juste une bête aux abois; qui nous observe, au-dessus de la mêlée, sans comprendre nos folles ambitions, nos dévorantes envies, nos implacables désirs ; désirs humains qui eux seuls sont éternels et identiques quelle que soit l’époque. Phénix, une créature compatissante, sans doute parce qu'elle ne sait pas ce qu’est la mort.

Osamu Tezuka (on peut lire une chronique sur la biographie du maître du manga ici ) avait un faible pour sa série Phénix (et l’a dessiné sur de nombreuses années) car elle était celle qui regroupait tous ses thèmes favoris : métamorphose des êtres, permanence, amour de la vie et des êtres, beauté érotique de la nature. Phénix est donc avant tout une œuvre de méditation et de contemplation, une œuvre mystique et métaphysique. La force, le génie, de Tezuka est de montrer ces grands thèmes sous couvert d’aventures et d’histoires épiques et extraordinaires, burlesque et violentes, érotiques et bon enfant ; à travers des personnages jamais manichéens, toujours complexes, sans mièvreries ni bons sentiments. Incroyable. Celui qui ne voudrait y voir que des récits d’aventures plus ou moins loufoques, (et plus ou moins réussies il faut bien l’avouer, tous les épisodes ne se valent pas) le pourrait, et ce serait déjà passionnant, mais c’est la vision de cette trame de fond qui rend l’œuvre essentielle.

Chaque histoire tourne autour d’une idée forte ; idée de narration : comment la vie vient aux robots ? comment transmettre la vie ? une idée graphique : les récits en parallèle de survivants d’un naufrage spatial ; ou une idée de mise en scène : deux histoires d’hommes à têtes de loup croisées (au moyen âge et dans le futur). Des idées et des récits sans lien entre eux, mais qui explorent toutes les facettes de la question de l’immortalité, de l’oubli ou du mythe, de la disparition ou de la permanence : vivre éternellement ou disparaître.

Mais chaque récit tourne surtout autour de personnages terriblement humains et attachants, même les plus infâmes crapules, sont attachantes, traitées avec l’œil qui frise de Tezuka. Autre idée grandiose de Tezuka, certes commune à toute son œuvre, l’usage de personnages-acteurs qui endossent en fonction des histoires des rôles différents : le savant au nez bouffé par les tumeurs, le jeune héros, les méchants aux tronches impossibles, etc. Ici cette trouvaille est essentielle, les personnages récurrents reviennent toujours pour exprimer la seule voie possible à l’immortalité humaine : la reproduction, l’éternité des gènes, plutôt que la réincarnation. Pourquoi boire le sang du Phénix puisque nous sommes par essence immortels ?

Tezuka, l’entomologiste, est Phénix, il semble regarder ses personnages avec tendresse, il les regarde lui échapper, s’agiter et disparaître, comme des insectes éphémères : quelle importance qu’ils aient été bons ou méchants, odieux, ambitieux, pénibles, courageux, drôles ? ils disparaissent... Dans son univers infini dessiné, Tezuka seul est immortel et bienveillant. Phénix est aussi une œuvre sur l’auteur, sur l’artiste, sur l’acte créateur. Pour Tezuka, comme pour Phénix, créer ce n’est pas être demiurge, c’est être observateur attentif et témoin admiratif de la nature.






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