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Graphisme : Il s'agit là de la première BD de Li-An.
Il n'est pas facile de chroniquer cette BD. Pour plusieurs raisons. D'abord parce que l'auteur a maintenant bien plus de bouteille, mais que je n'ai lu aucune autre réalisation. Parce que Li-An m'a gentiment cassé les pieds ici notamment (lol)...
Ensuite parce que... parce que ce qui frappe immédiatement quand on tient ce tome pour la première fois est la très esthétique couverture de Moebius...
En effet, Li-An fait apparemment partie (1998) de ces jeunes dessinateurs attachés à Moebius, tendance à partir duquel il a fortement évolué, et positivement visiblement, nous y reviendrons. Du coup, le lecteur ne peut manquer de jouer le jeu de la comparaison qui se fait, forcément, au détriment du nouvel auteur, comme pour tout ceux qui se sont lancé dans l'exercice. Soyons clair, il ne s'agit pas de vulgaire plagiat. Li-An fait volontairement et clairement référence à Moebius, référence sans aucun doute révérencieuse (fanique ?), et l'ouvrage est parsemé de clins d'œil graphiques, tant dans les personnages, le trait, les plans.
Entracte : Le jeu de référence à Moebius n'est d'ailleurs pas que graphique. Il est dans tous les cas évident. On pourra, me semble-t-il, dans certaines cases, trouver un peu de Pratt dans le style. Il doit y avoir du Li-An aussi n'en doutons pas, et pas qu'un peu. Le lecteur de l'adaptation de Vance le reconnaîtra mieux. Dans tous les cas, le jeu de référence ne s'arrête pas là. En deuxième position arrive Vance. On sait que l'auteur a dessiné une adaptation du cycle de Tschaï. Maupassant aussi est cité (Le Horla) et Li-An a aussi adapté "Boule de suif". Le personnage qui s'appelle Disnitch et qui a de grandes oreilles est peut-être moins un enième détournement disneyien qu'une sorte d'envie de redonner dans un type d'exercice qui rappelle un peu les années "Metal Hurlant". On peut après se perdre en conjectures. Que l'Ombre soit dirigé dans une forêt par un infirmier vers une rencontre inattendue avec ses parents, puis, plus loin, qu'un magazine se nomme "Intervista" et on se demande s'il s'agit d'un clin d'oeil à Fellini... Non, sans doute...
Scénario : j'ai vu sur le net qu'on parle de Vance, de l'incal, mais moi je trouve pourtant que ce scénar penche plus vers "Le garage hermétique", à la fois rythmiquement - mais un peu plus speed - dans la complexité de l'intrigue, le monde mis en place et le scénario à rebondissement. Hélas, si dans le garage la confusion était la conséquence d'un récit rendu fou - en partie à cause de son origine feuilletonesque - elle est ici le fait d'une complexification de l'histoire dans un cadre cependant assez conventionnel, complexification limite tenable pour le lecteur d'autant que le rythme est, lui, soutenu : les rebondissements s'enchaînent donc, et donnent parfois l'impression de "surenchère rebonditive". J'avoue que j'ai survolé les dernières pages rapidement, ayant un peu décroché de l'intrigue.
Note de fin : Li-An a sorti récemment un "Boule de suif". A voir les planches, il a trouvé un style bien plus maîtrisé. Je trouve ces planches bien meilleures que celles de Tschaï, mais il est vrai qu'elles sont terriblement plus "nouvelle bd française". Ce n'est pas un mal en soit. L'auteur montre là qu'il est un graphiste qui a de la ressource.
Je rappelle qu'il s'agit de planches vu sur le net, donc jugement à prendre avec des pincettes.
Souvent, je trouve qu'il y a un problème de quadrature du cercle, entre un style new french touch qui fonctionne mais devient trop la norme et quelque chose qui manque des années 70 mais qu'on n'arrive pourtant pas à faire revivre (sauf peut-être du côté des mangakas ?).
Voyons donc à l'avenir comment Li-An va régler cette question, entre ses références de jeunesse, son adaptabilité, ses références SF, le style bd "classique pas top" dirais-je, son "nouveau" style "Boule de suif", les désirata éditoriaux, et toutes ces choses...
EDIT : SF inside : Ah, quand même, je m'aperçois que la note sur l'histoire ne laisse guère imaginer ce que suppose le titre. Oui, c'est une aventure sf, avec machines, armes et soldatesques futuristes, factions, personnages, peuplades et paysages imaginaires, immersion virtuelle, etc. C'est tout de même à souligner, lorsqu'il s'agit peut-être de la référence première de l'ouvrage.
Au final : Une première BD qui déjà suppose un potentiel que l'éditeur a, apparemment, su voir, mais pour moi, ici, somme toute classique, voire assez banal graphiquement - avec de très bon moment, et un certain nombre d'écueils. Mais surtout - car c'est pour moi, en règle général, le point primordial, un récit auquel il est difficile d'adhérer.