Mourir d’une crise cardiaque à 43 ans en 1988, se réveiller à 18 ans, en 1963 dans sa piaule d’étudiant, retrouver tout son entourage de l’époque comme si on ne l’avait pas quitté, comme si 25 ans ne s’étaient pas écoulés, à cette différence près que les souvenirs de sa vie antérieure sont bel et bien là.
Et puis faire un replay, c’est à dire redémarrer une vie dans ces conditions. Une nouvelle vie bien sûr : lorsqu’on connaît avec 25 ans d’avance les faits marquants de la marche économique et politique du monde, on peut utiliser ce savoir et gagner beaucoup d’argent en faisant de bons placements boursiers par exemple, on peut aussi essayer d’éviter un assassinat à Dallas le 22 novembre 1963, on peut rerencontrer sa femme pour la première fois, on peut surtout essayer de ne pas retomber dans les erreurs et l’insipidité de sa première vie…
Telle va être l’expérience de Jeff.
Mais les choix que l’on fait donnent rarement les résultats que l’on escompte. Jeff va vite le réaliser et puis mourir à nouveau… à 43 ans pour se réveiller à 18 ans, en 1963, un peu plus tard que la fois précédente …
Un nouveau replay commence, une nouvelle expérience avec d’autres choix puis toujours la mort à 43 ans et … ainsi de suite.
Lors d’un replay, Jeff apprend qu’un film de 1974 connaît un succès phénoménal. Un film dont il devrait donc se souvenir mais un film qui n’existait pourtant pas dans sa première vie. Il va alors essayer de comprendre. A cette occasion, il rencontre Pamela.
Il serait dommage d’en dire plus.
Contrairement à certains voyages dans le temps où le passé ne peut se réécrire, Jeff vit à chaque replay une vie différente car il modifie ses choix en tenant compte du cumul d’expérience des vies précédentes.
Chaque nouvelle vie apporte son lot d’émotions, son lot de découvertes mais aussi son lot d’insatisfactions, de désillusions, de cicatrices car telle est bien la force de ce livre de nous montrer que toutes ces possibilités de vies nouvelles ne sont pas une garantie de bonheur.
Comment vivre avec le souvenir d’un enfant que l’on a chéri et qui ne naîtra jamais dans le replay que l’on vit ? Comment continuer à être curieux quand on sait à l’avance ce qui va se passer ? Comment vivre en sachant la date de sa mort ? (Difficle de faire un rapprochement avec L’homme stochastique de Silverberg car dans ce roman, la mort est immédiatement suivie d’une nouvelle vie). Comment supporter le poids croissant de cette immense lassitude créée par toutes ces vies qui s’accumulent et où, chaque fois, tout est à refaire ?…
On ne lâche pas facilement ce livre tant le rythme de l’histoire est soutenu et notre curiosité aiguisée : chaque nouvelle vie explore une voie que le lecteur a envie de suivre et répond à une question qu’il se pose.
La fin est réussie et très bien amenée. Un bémol cependant : quand l’auteur nous expose explicitement que la leçon à tirer de tout cela est qu’il faut vivre sa vie pour soi, que les autres n’en sont que des composantes à gérer au mieux, on tique un peu quand même tant cet individualisme peut paraître réducteur et étriqué.
Heureusement l’épilogue est là, à la hauteur du reste du roman.
Une idée originale habilement développée. Des touches d’humour. Beaucoup d’émotion. Un récit bien construit. Une cohérence respectée. Replay, sans être un chef d’œuvre, est réellement un très bon moment de lecture et on referme le livre pensif, nous qui n’avons qu’une vie.