L'histoire, bien amorcée par le quatrième de couverture, je ne saurais faire mieux et vous y renvoie en conséquence.
Une construction habile. L'auteur mène son récit de main de maître. Il nous contraint à suivre Anton Lindgren dans ses recherches artistiques, de galeries d'art en vieux monastères, à la recherche de cette ngomite qui a servi à orner la statuette du Christ mort.
Paralèllement, il esquisse une intrigue dont les enjeux paraissent plus importants, moins esthètiques, et dans laquelle s'engouffrent toutes les forces politiques du système. Une intrigue sous-jacente, qui est comme la colonne vertébrale du roman, l'intrigue directrice faisant office de feuillage, révélant et dissimulant tout à la fois la ligne forte, mais traité au second plan.
Tandis qu'Anton nous entraîne à la suite de la ngomite et de Karl Ozaki, le grand sculpteur, une mystérieuse secte, les Frères dépossédés de Dieu, dérobe aux quatre coins du système d'énigmatiques objets.
Un univers maîtrisé et dense. L'histoire se déroule au XXIVeme siècle, dans un système solaire colonisé depuis longtemps déjà, et où les divergences culturelles se sont creusées jusqu'au point de rupture entre les planètes proches de la Terre et les planètes extérieures (la référence à Bester du quatrième de converture est donc bien vérifiée).
La Terre elle-même a tout un passé qui n'est évoqué que par indices : un empire russe s'est étendu sur l'ensemble du globe, et jusqu'à la Lune, voire Mars ? des guerres ont eu lieu, des catastrophes écologiques aussi, qui ont profondément modifié les comportements des Terriens. Le roman ne s'y attarde pas, tel n'est pas son propos.
Le GenSek, régime aux résonnances féodales, semble dominer la Terre. Des juges semblent détenir une autorité qui n'est pas clairement définie, dans le groupe des planètes proches issu du traité de Djakarta. L'Academia Sapientiae oeuvre dans un but énigmatique, d'aucuns ironisent et disent qu'elle souhaite rien de moins que ramener l'homme à l'âge du néolithique.
On voyage beaucoup dans le roman. L'un de ses charmes est ainsi de nous faire passer de la bicyclette au vaisseau stellaire, de nous entraîner à la suite des protagonistes de Venise à un astéroïde transformé en Dysneyland.
Les personnages, sont un autre des atouts de Sculpteurs de ciel. Si Anton Lindgren est le principal protagoniste suivi par le narrateur. Il partage le devant de la scène avec Vanessa Karageorge, de l'Academia Sapientiae, et dans une moindre mesure avec Théonave de Borgra originaire de Ganymède.
Autour d'eux gravitent une foule de personnages plus intéressants les uns que les autres, de Lord Monboddo, amateur d'art, juge, colonnel de la DES, membre de l'artistocratie qui régie le système, à Sellering, lieutenant de de Borgra dans l'organisation des technos dont l'ambition est la domination du système solaire.
Outre leur intérêt intrinsèque, les personnages secondaires permettent à l'auteur d'éclairer les autres personnages.
Ils composent une humanité en réduction, se manipulent, se dissimulent, s'admirent, s'aiment, se déchirent tour à tour, font preuve d'inconstance, de mesquinerie, d'orgueil.
Du grand space opera dans un espace bien délimité et dans un volume compact qui en renforce l'énergie et l'inventivité.