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Un passé qui le rend accro à la « Blue » : cette drogue aussi puissante qu’onéreuse décuple ses sens et ses performances. Mais elle lui permet aussi d’oublier, le temps d’une dose, d’un fix, ces images si lointaines et pourtant si proches. Celles d’un bloc opératoire rempli d’enfants qui hurlent de terreur sous les scalpels des chirurgiens.
Jusqu’à ce qu’un jour, la « Blue » ne lui suffise plus…
La science-fiction ne compte plus ses futurs sombres où l’individu se dissout dans les intérêts du groupe. Septième Ange s’inscrit dans un registre proche et bâtit son originalité sur la « profession » de son protagoniste principal : de par son activité de tueur à la solde de l’état, celui-ci fait pencher le récit dans la direction du roman Le Travail du furet à l’intérieur du poulailler – gage de qualité. Mais puisque près d’une génération a passé entre la publication de ces deux récits, le plus récent des deux se colore bien sûr d’un aspect high-tech plutôt absent de son prédécesseur. À vrai dire, d’ailleurs, c’est bien son seul réel avantage : trop court pour aller vraiment au fond des choses, Septième Ange se contente donc d’effleurer son sujet.
Là où ce one shot brille, par contre, c’est dans ses graphismes. Kenjo Aoki nous fait ici une brillante démonstration de son talent pour le moins inhabituel. Car ses dessins, ici au moins, présentent comme particularité de ne pas s’attarder sur les détails et au contraire frôlent le croquis, frisent le rough, voire même flirtent avec le concept art. Dans le domaine de la narration graphique, le seul exemple qui me vienne à l’esprit d’une œuvre réalisée toute entière à l’aide d’une telle technique est le premier et à ce jour unique tome de la série La Porte écarlate d’Olivier Ledroit (1) – un autre gage de qualité. À moins que vous préfériez la comparaison avec les impressionnistes…
Parce que c’est bien de ça qu’il s’agit au final : d’images dont seule la toute première impression qu’elles dégagent compte, le reste ne présentant au final qu’assez peu d’importance. Pour cette raison, je veux dire puisque le lecteur ne peut se perdre dans les détails vu qu’ils se montrent trop flous, l’auteur doit mettre l’accent sur les couleurs – c’est-à-dire sur la lumière, seule à même de rendre les formes compréhensibles (2). Et sur ce point, Aoki démontre une maîtrise rare, tant sur les contrastes classiques que les clairs-obscurs ou les tons sur tons ; en fait, il se situe à l’opposé d’un Geof Darrow dont le souci du détail quasi schizophrénique nuit souvent à la lisibilité de ses dessins.
Mais au-delà de ces considérations somme toute assez techniques, Septième Ange est aussi le récit poignant d’une victime à la recherche de la rédemption. Si Gabriel trouvera cette libération, il vous reste encore à découvrir comment, et surtout de quelle délivrance il s’agit…
(1) mais je n’exclue pas que ce soit une conséquence de mon ignorance : si tel est le cas, n’hésitez pas à m’éclairer.
(2) pour plus de détails sur ce point, j’invite le lecteur à consulter mon tutorial sur les techniques d’éclairage en level design.
Note :
Le prénom du protagoniste principal, Gabriel, est le même que celui d’un des archanges de la Bible, justement au nombre de sept. Mais le récit n’indique à aucun moment quel est le lien entre ces deux personnages, ni même s’il y en a un en dehors de leur simple homonymie.