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Dans la continuité du tome précédent, ce second volume achève de nous présenter l’univers du récit tout en l’imbriquant à la narration proprement dite. Si la plupart des idées ainsi présentées restent dans les limites du convenu – du pain et des jeux pour mieux contrôler le peuple, en simplifiant – mais aussi du parallèle avec notre réalité que cette œuvre dénonce, l’un des axes de réflexion adoptés par l’auteur se montre sous un jour assez original. Car ce futur a en fait dégénéré sous l’emprise des démons dont le lecteur soupçonne l’existence depuis un certain temps : comme le Conseil d’Administration d’une multinationale, on les voit ici se réunir afin de déterminer quelle direction ils vont donner au monde.
Cette représentation peut sembler exagérée, voire caricaturale, mais elle ne manque pas de sens malgré tout. Les démons, en effet, sont des suppôts de Satan, et ce dernier se caractérise notamment par un ego hypertrophié et une absence totale d’empathie envers ses victimes. Or ces deux traits, et pour peu qu’on considère les choses d’une manière assez générale, correspondent plutôt bien au monde de l’entreprise, ou encore aux entreprises elles-mêmes : toutes entières dédiées à s’imposer sur un marché donné, donc aux dépends de leurs concurrents, chacune d’elle s’estime plus méritante que sa voisine – l’ego sans limite – qu’elle n’hésitera pas à écraser pour ainsi mieux s’imposer – l’absence d’état d’âme.
On peut ainsi voir dans cet aspect de l’univers de Sha une dénonciation non d’une forme de machiavélisme inhérent au concept même d’entreprise et de marché, puisque cette idée reste bien trop simpliste et manichéenne pour convaincre vraiment, mais au moins une critique virulente de cette notion de darwinisme social – ou toute autre concept assimilable – qui a profondément altéré les rapports sociaux depuis plus d’un siècle (1) – et notamment à travers l’établissement d’une nouvelle forme de féodalité basée sur la richesse. Ici, ce système se voit comparé au mal absolu, ce qui ne paraît pas tout à fait déraisonnable en regard des maux qu’il a pu causer : la récente crise financière laisse peu de place à la discussion sur ce point…
Mais ce second tome se caractérise aussi par une certaine accélération dans le récit qui laisse notamment une place abondante à l’action dans la deuxième moitié du volume. Certains regretteront peut-être de voir l’histoire s’emballer aussi vite mais pour un scénario qui tient sur trois tomes à peine ça reste dans les limites du raisonnable.
La conclusion du récit, quant à elle, saura se montrer assez haute en couleurs.
(1) le lecteur soucieux d’approfondir se penchera sur le récent essai de Frans de Waal intitulé L’Âge de l’empathie (Les Liens qui libèrent, 2010, 330 pages, ISBN : 2-918-59707-4).