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Suicide Commando ne brille pas par son scénario mais par ses graphismes : issu de cette époque où l’apparence est tout, il se préoccupe plus de la forme que du fond – même si sa préface, écrite par son scénariste justement, aimerait nous faire croire le contraire. Ici, c’est la créativité de Philippe Gauckler qui domine, et non les mots de Charles Imbert – même si ces derniers ne manquent pas d’intérêt, au moins pour poser l’ambiance. Un Gauckler qui signe d’ailleurs sa première BD, et ça se voit.
Non pour des raisons d’ordre technique, ni même – toujours plus discutables – d’ordre artistique, mais pour des question d’inspiration – encore qu’il est toujours difficile de trouver laquelle de ces deux catégories elle influence le plus : la technique ou bien l’artistique ? Car il y a une ombre qui plane au-dessus de ces images, celle d’un immense artiste qui semble avoir été oublié et c’est regrettable parce qu’il a jadis ouvert une voie entière à lui tout seul : je parle de Chris Foss.
Ne cherchez pas plus loin, c’est bel et bien Foss qui se trouve derrière toutes ces machines, vaisseaux et véhicules qui pourfendent en tous sens les planches de Suicide Commando. Ce sont ses formes, bien qu’épurées ; ses couleurs, bien qu’assagies ; son esprit, presque sublimé, lui, par contre : car ici, et au contraire de Foss qui a (avait ? a eu ?) une nette tendance à laisser s’exprimer son sens du réalisme dans les matières presque exclusivement, Gauckler nous propose des méchaniques qui fonctionnent. Ou quasiment.
Quasiment, car à y regarder de près, elles ne fonctionnent pas vraiment. De menus détails clochent, surtout dans les articulations – du reste, toujours un cauchemar de designer, quel que soit son domaine. Mais en fin de compte, ça importe peu : l’illusion, elle, cette base de l’Art, fonctionne à la perfection. Alors on s’y croit, dans ces chutes libres à l’assaut des forteresses du peuple de l’eau, dans ces infiltrations éclair pour exécuter un coup d’état, dans ces courses-poursuite sur la banquise…
Dans Suicide Commando, les machines et les scaphandres fusent, si vite qu’on se demande si leurs pilotes ou leurs occupants connaissent la notion de frein – ou même si leurs mechas, puisque c’est bien de ça qu’il s’agit au final, en sont équipés. Cette BD mérite son titre : ouvrir Suicide Commando, c’est plonger tête première dans un abîme qui nous aspire vers le fond toujours plus vite – sauf qu’il n’y a pas de fond, et qu’on n’en finit pas de chuter…
Moins un récit qu’une expérience, voire une expérimentation, Suicide Commando est une première œuvre tout à fait étonnante, un OVNI saupoudré de la french touch d’une époque qui avait bien des choses à montrer au lieu de parler à ne rien dire comme elle le fait aujourd’hui.