Swamp thing

Dans la série « J’aime Alan Moore », aujourd’hui Swamp Thing, une série de comics un peu particulière, et plus particulièrement le tome 2 de la série chez Delcourt. Au départ, Swamp Thing est un personnage de sérial, comme Batman ou Superman, créé à priori (je crois ?) par le maître de l’horreur en noir et blanc, Beni Wrightson, bien connu pour ses « contes de la crypte » ; l’idée est simple : un biologiste, Alec Holland, victime d’un attentat, sauvé par un de ses produits miracles, devient un homme–plante, une espèce de magma de mousses, algues, lichens, capable de manipuler les plantes. On connaît un peu les comics américains , et l’épisode dans lequel le héros découvre ses pouvoirs est un passage obligé : on se souvient de Spiderman et de son araignée radioactive… Pourtant cet épisode dans la série Swamp Thing ne trouvera son intérêt, qu’avec l’arrivée d’Alan Moore au scénario, après bien des épisodes que j’avoue n’avoir pas lu – mais dont certains épisodes du tome 2, plus faibles, donne, j’imagine, une idée. Autant prévenir, l’ensemble peine un peu (oscillant entre comics et horreur) et seuls quelques épisodes sortent du lot, mais sont exceptionnels.

L’idée d’Alan Moore est simple, reprendre l’épisode originel de « métamorphose du héros » et l’analyser en se posant la question « qu’est ce qu’être une plante ? ! ». C’est un peu plus compliqué et un peu plus brillant que ça, mais la trouvaille « qui est Alec Holland ? » est tellement belle que je veux pas la déflorer. Et pendant quelques épisodes, la série devient magique. Servi par un noir et blanc (plusieurs dessinateurs à l’œuvre) suintant, poisseux, moussu, grouillant, le sorcier Moore décrit le « corps » d’Alec Holland / Swamp thing comme une créature en fusion avec le monde végétal et tente de plonger le lecteur dans l’esprit d’un lichen.. Tout le corps de la Bd devient alors plante, marécage humide, les cadres sont abolis et deviennent entrelacs de lianes, grouillant de scolopendres ; rapidement, une vague sensation de malaise prend le lecteur, comme s’il devenait lui aussi une partie du lichen. L’histoire résumée n’est pas d’un grand intérêt, avec son lot de méchants et d’aventures dont Moore se contrefout, son intention est vraiment la fusion. Il mixe de façon miraculeuse, en surface, un texte et une interrogation sur ce qu’est être « humain », s’épanchant sur la dépression de la créature, et en profondeur, essentiellement grâce à la mise en scène, au récit dessiné, une véritable plongée dans un corps vivant. La grande force de ces quelques épisodes est de parvenir non seulement à décrire un monde de perceptions différentes, mais surtout à transmettre des sensations, à faire imaginer ce que ça peut être d’être une plantes consciente. Pas de façon intellectuelle, plutôt de façon tactile ; un phénomène exceptionnel en Bd, la fusion.

(Cela dit, je fais mal mon boulot, je n'ai pas lu ni le tome 1 ni le tome 3... quelqu'un les a-t-il lus ?)