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Jim

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The wide, carnivorous sky

John Langan


The wide, carnivorous sky
Titre original : The wide, carnivorous sky and other monstrous geographies
Première parution : 30 avril 2013

 Pour la présente édition :

Editeur : Hyppocampus press
Date de parution : 30 avril 2013
ISBN : 978-1-61498-054-4

La critique du livre
Lire l'avis des internautes (6 réponses)

Ce peut être difficlie à croire vu de France où les rayons consacrés à l'horreur dans les librairies, même gonflés par l'ample bibliographie du roi Stephen et la redoutable "bitt'litt", sont encore plus restreints que ceux de la SF - et ne parlons pas la fantasy... - mais la décennie qui s'achève aura vu un renouveau de la littérature horrifique aux États-Unis.

Pour cela, il fallait l'apparition de nouveaux talents mais aussi et surtout des supports offrant des débouchés à leurs textes, afin que ces jeunes pousses puissent apprendre le métier, se faire les crocs.
Ce terrain fertile, quand ces écrivains ne publiaient pas dans quelques revues (The magazine of Fantasy and science fiction publie aussi de l'horreur, et de la bonne...), ils le trouvaient sur le Net (webzines ; sites d'éditeurs) et, sur papier, dans un format privilégié en regain de popularité : l'anthologie originale (souvent thématique, elle bénéficia notamment de l'engouement pour l'œuvre d'H.P.Lovecraft, sous le haut patronage duquel nombre de ces ouvrages furent placés).

Parmi les noms qui se révélèrent ainsi, celui de John

Langan

n'est sans doute pas celui qui prit le plus la lumière (si l'on se référe aux palmarès des prix majeurs du genre [Bram Stoker ; Shirley Jackson], Caitlín R. Kiernan et Laird Barron, par exemples, lui volent la vedette).
néanmoins, après trois recueils de nouvelles et deux romans (dont le dernier, The fisherman reçut le prix Bram Stoker en 2017), il est devenu un auteur reconnu et estimé par ses pairs.

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The wide, carnivorous sky (and other monstrous geographies) est son deuxième recueil.
il se compose de neuf nouvelles de tailles fort variées, d'une préface signée par Jeffrey Ford, de quelques notes sur l'écriture des textes rassemblés et d'une drôle de postface, entre réalité et fiction, signée par Laird Barron.

Le premier texte, Kids, est anecdotique.
Il s'agit d'une short short story qui prend la forme d'une saynète où le critique Jack Haringa se fait boulotter par de curieux petits écoliers.
Point de règlement de compte d'écrivain mal embouché ici mais la perpétuation d'une tradition du genre où les auteurs s'amusent à faire mourir leurs connaissances dans leurs fictions, si possible de la plus atroce façon...

Le deuxième texte, How the day runs down, est d'une autre trempe et introduit à une des manières que

Langan

maîtrise particulièrement bien : aborder une figure classique du fantastique par une approche métafictionnelle, mais sans distanciation surplombante, sans oublier la viscéralité de l'horreur au cœur du récit.
Ici, c'est le motif du zombie, à la George Romero/The Walking Dead, qui est examiné, en reprenant le dispositif d'une pièce de théâtre réputée : Our town de Thornton Wilder.
Réduit au cadre d'une salle de représentation, narré par un mystérieux Stage Manager (quelle est sa véritable nature ? quels sont ses objectifs ?), le récit se déploie en plusieurs actes brefs, jouant tantôt sur le tragique, tantôt sur le comique, et dont ressort tout particulièrement la partie centrale (la plus longue) où une mère parle du jour où les zombies ont tué ses enfants.
Le tentative d'accepter une ironie cruelle et un mauvais réflexe se heurte à inacceptable perte des êtres aimés : détailler les éléments les plus prosaïques d'avant l'instant fatal sert alors autant à chercher une explication qu'à étirer ce temps du souvenir où le pire n'était pas encore survenu.

Le troisième texte, Technicolor, met en scène un professeur de littérature (c'est le métier, "au civil", de John

Langan

...) discutant avec ses élèves de l'interprétation d'une nouvelle fameuse d'Edgar Allan Poe, Le masque de la mort rouge.
Cette nouvelle, très maîtrisée autant que ludique, est présenté sous la forme d'un long monologue (les questions restent hors champ mais les reprises faites par le narrateur rendent le discours tout à fait clair et lisible), le commentaire de texte passe progressivement du scolaire précis au flou fantastique, au fur et à mesure que l'enseignant enjoint les étudiants à voir plus profond dans l'abîme (et l'on sait bien que quand on regarde l'abîme...)

Le quatrième texte, The wide, carnivorous sky, est celui qui est le plus porté sur l'action.
Lors d'une opération à Falloujah, un groupe de G.I. croisent le chemin d'une créature d'outre-espace aux capacités létales surhumaines. Peu d'entre eux réchappent à l'affrontement et, alors que leurs corps se soignent, difficilement, dans un hôpital militaire, planifient une contre-attaque des plus risquées.
C'est la figure du vampire qui est employée ici, mais un vampire original : s'il a l'apparence banale d'une version bestiale du monstre (grand homme-chauve-souris aux dents et griffes acérées), il est bien singulier dans sa façon d'être et d'agir (il se repose dans le ciel, désoriente ses victimes avec des sortes de "bombes psychiques"...)
La nature surprenante de cet antagoniste fait tout le sel de ce récit, dont le déroulé est par ailleurs assez classique.

Le cinquième texte, The city of the dog, utilise une créature moins à la mode que le zombie ou le vampire : la goule.
Le début semble annoncer un récit très graphique : un soir d'averse, le protagoniste croise, de beaucoup trop près, un affreux canidé (dont la description, organique, est saisissante).
Mais après cela, au lieu de s'accélérer en un crescendo horrifique, l'histoire se pose et fait un détour vers la littérature générale, s'attardant sur les affres du doute qui ronge ce type ordinaire à qui la petite amie assure ne plus entretenir qu'une relation amicale (et chaste) envers ce gars avec lequel elle le trompa, une seule et unique fois...
Quand le récit se réoriente brusquement vers le fantastique, ce procédé aura nourri d'une amertume bien trop réelle le drame qui se joue.

Le sixième texte, The shallows, se place en terre lovecraftienne, imaginant notre monde après le retour des Grands Anciens.
La nouvelle est construite autour de deux axes narratifs. L'un a les couleurs du fantasme : R'Lyeh sort des eaux, encore et encore, et avec elle Cthulhu (pas la représentation triviale qui est rentrée dans la pop culture, mais la créature du texte originel, aussi titanesque qu'insaisissable). L'autre évoquant des souvenirs familiaux, dépeints avec une belle acuité.
Le style de l'auteur rend vivants l'un comme l'autre ; mais leur articulation est difficile à saisir, tout comme la fin du récit, abrupte.

Le septième texte, The revel, se penche sur une autre célébrité du panthéon gothique : le loup-garou.
Le texte apparaît d'abord comme un essai détaillant les différentes pièces qui composent généralement les fictions lycanthropiques (péripéties, cadres et personnages).
La froideur qu'on pourrait craindre de ce dispositif théorique est contrebalancée par l'attention portée aux êtres humains, qui ne sont pas considérés comme de simples marionnettes.
La dernière partie rompt avec le procédé en basculant dans le symbolisme plus compliqué à appréhender : comme si l'on passait du visionnage relativement confortable d'une série B à une conglomération déroutante d'images échappées d'une version moderne de La compagnie des loups.

Le huitième texte, June, 1987. Hitchhiking, Mr. Norris, est un clin d'œil à un bon ami de l'auteur, Laird Barron. Ce dernier est volontiers discret sur ses jeunes années passées en Alaska, ce qui laisse l'espace libre à l'imagination de ses collègues plaisantins...
Dans cette nouvelle (qui sans être mauvaise reste mineure), le jeune Laird se fait prendre en auto-stop par un serial killer pour lui révèle œuvrer pour des entités surnaturelles malfaisantes.

Le neuvième texte, Mother of stone, est le seul spécialement écrit pour ce recueil.
Une jeune universitaire enquête sur un fait divers morbide, entouré de mystères : une étrange statue, déterrée dans une commune rurale, fut associée à une série d'événements sanglants.
Le récit consiste en une série d'entretiens auprès de personnes plus ou moins proches de l'affaire mais qui en ressortirent tous profondément marqués.
Pas d'intrigue criminelle ici, l'intervieweuse recueillant finalement assez facilement les témoignages, seulement la découverte, couche par couche, d'une malédiction ancestrale au caractère particulièrement atroce (l'image de la statue représentant, de façon étonnamment réaliste dit-on, une femme enceinte au dernier degré, sans tête, dégorgeant de sang par son cou tranché, a de quoi glacer le sang).

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Entre métafiction et embrassement des figures tutélaires du genre, cette somme de nouvelles propose un panorama assez varié du traitement de l'horreur par John

Langan

.
Un approche qui utilise l'esprit et le corps, sonde les âmes et les tripes.
Un regard critique et historique qui ne se départit pas de la nécessité d'aller au cœur de ses sujets, quelque déplaisants ou sauvages puissent en être les résultats.
Un nom que je serais heureux de voir au sommaire des anthologies pour de nombreuses années à venir.



PS : une longue nouvelle, Mr. Gaunt, est disponible à la lecture en ligne (en v.o.) sur pstdarkness.com
Deuxième publication de

Langan

, elle est d'inspiration classique, convoquant plutôt Henry James et Charles Dickens que Stephen King et Peter Straub (pour citer quatre influences de l'auteur).
Je la trouvai fort réussie, manifestant déjà un beau talent de conteur.



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