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Alors que les tomes centraux d’une série servent en général à lier l’introduction à la conclusion à travers une suite de péripéties plus ou moins gratuites, donc qu’ils servent d’habitude de « remplissage » c’est-à-dire de fillers, celui-ci présente le mérite de faire avancer la narration d’une manière à la fois spectaculaire mais aussi très émotionnelle – bref, le scénario tout comme les personnages y avancent à grands pas, dans un maelstrom de conflits qui concernent le rapport de chaque camp à son adversaire mais aussi chacune de ces factions prise séparément ; ceci afin de souligner combien cette histoire se situe loin des manichéismes faciles des productions orientées action.
Ce qui du reste n’étonne guère de la part d’un auteur qui a vite excellé dans le domaine du shôjo et qui devint vite un pilier de ce shônen-ai amené à poser les bases d’un genre entièrement nouveau, même s’il restait à cette époque pour le moins embryonnaire – je parle bien sûr du yaoi. Aussi le lecteur s’étonnera peut-être de voir comment Keith Anyan, jusqu’ici présenté comme la parfaite incarnation de la Superior Domination, puisse faillir à ce point-là et avec une telle rapidité ; à sa décharge, on peut néanmoins préciser qu’il ne s’attendait certainement pas à trouver un ennemi au sein même du système auquel il se voue corps et âme. Se serait-il montré plus « fort » dans d’autres circonstances ? Peut-être bien… Mais cet adversaire deviendra vite son meilleur allié : le lecteur en verra des prémisses plus qu’évidents à la fin de ce second volume.
Du côté des Mu, par contre, l’antagonisme interne se montre plus pernicieux, pour ne pas dire franchement fourbe. Car les Mu fêtent dans ce second volume ce qui représente pour eux une victoire majeure : certains de leurs couples sont enfin parvenus à procréer ; ils ne sont donc plus tributaires des Mu évadés de la Superior Domination pour assurer la survie de leur peuple. Mais ces enfants nés sur Naska présentent une particularité pour le moins alarmante, même pour les Mu qui en ont vu bien d’autres : les facultés parapsychiques de ces jeunes dépassent toutes celles des plus puissants d’entre eux ; de sorte que les Mu se trouvent ainsi confrontés au même problème que celui de leurs ennemis : l’apparition au sein même de leur société d’une menace équivalente à celle qu’ils représentent pour la Superior Domination…
Ces retournements de situations, ou plutôt de paradigmes, se trouvent ici orchestrés avec grand brio, à travers une narration au scénario palpitant dont les scènes d’action, assez abondantes cette fois, n’occultent pas les psychologies des personnages néanmoins, bien au contraire. La tragédie finale qui frappe les Mu, d’ailleurs, constitue le coup de fouet dont ceux-ci ont besoin pour retrouver la volonté d’accomplir la volonté du Soldier Blue original – celui-là même qui continue à vivre en Jomy. Ce dernier nous fait d’ailleurs ici une démonstration sans appel de sa détermination à toute épreuve, en dépit de quelques faiblesses somme toute passagères et surtout imputables à son manque d’expérience dans le commandement mais qui soulignent aussi l’aspect humain du personnage.
Avec un sens de la narration pour le moins brillant dans sa juxtaposition de l’action et des psychologies, le tout servi à merveille par des graphismes qui proposent ici une évolution frappante par rapport à ce qu’on pouvait en voir dans le volume précédent, ce second tome confirme bien que To Terra… est une production d’envergure exceptionnelle. Le troisième et dernier volume de la série saura d’ailleurs conclure ce récit palpitant comme il se doit.