Levin
s'immisce dans l'intimité d'un très jeune couple new-yorkais des 60's, apparemment relativement aisé, branché et mondain.Elle, Rosemary, très fleur bleue et épouse typique de ces années-là, aimante, attentionnée et dévouée; en rupture géographique et sociale quasi consommée avec sa famille du fait que, catholique, elle a épousé un protestant.
Lui, Guy, acteur en devenir (c'est du moins ce dont il rêve), courre le cachet avec plus d'espoir que de réussite. Mais l'argent ne semble pas causer problème, le couple file le parfait amour.
Et au-dessus d'eux: un double rêve. Celui de donner un écrin à leur amour: un appartement de rêve, dignes de ces revues glacées qui peuplent le marché de l'immobilier. Celui d'avoir trois enfants.
Encore faut t'il commencer par le premier..?
Le Bramford, immeuble huppé d'un quartier riche, leur tend les bras, ils signent un bail de location.
Rosemary ne tarde pas à tomber enceinte.
La situation de départ est posée. Un cadre bien banal, me direz-vous...! Du "Nous-Deux" de magazine qui ne peut promettre, au mieux, que de l'adultère prévisible, un amant de placard et autres chamallowseries passionnelles, bien mollassonnes et prévisibles. Une eau calme et reposée en somme, en attente de remous sentimentaux lacrymaux, un happy-end de rigueur bien harlequinés.
Tout cela est délibéré. Car
Levin
, peu à peu, va donner des pichenettes à cette eau rase et calme, jusqu'à faire basculer son lecteur dans l'horreur, l'égratigner sans gore, l'attaquer de frisson en frisson, façon Hitchcock et tailler dans un fantastique classique revisité: celui de la sorcellerie, des diableries et de la religion.Oubliez l'eau de rose, vous avez rendez-vous avec un thriller fantastique de la plus belle eau.
Laissez vous tenter, d'autant que l'auteur, de part sa bibliographie, n'a pas fait dans la joyeuseté avec entre autres le très dystopique "Un bonheur insoutenable" et le frénétique et inattendu "Ces garçons qui venaient du Brésil".
Car le Bramford a un passé sulfureux: des suicidaires, des meurtriers...enfin bref, tout un fatras de ridicules superstitions, n'est ce pas..? et Rosemary y rencontre de bien étranges voisins bien trop prévenants...
Alors maintenant, vous croyez l'histoire cousue de fil blanc, prévisible en diable..détrompez-vous,
Levin
a plus d'un tour dans son sac..!Sûr: si vous avez vu l'adaptation que fit Polanski en 68, vous n'ignorez pas le fin mot de l'histoire. Néanmoins, il me semble utile de signaler dans la négative, qu'à mon goût, il est préférable de lire avant et de voir après. Le film est une excellente adaptation du roman, à mon sens bien meilleure que le roman; chronologiquement et factuellement fidèle, s'y rajoute une vision de l'immeuble absente du roman: les murs, les pièces, les lieux sont omniprésents; le spectateur soupçonnant quelquefois que la typographie de la maison varie en fonction de l'action. Il s'y tisse une atmosphère trouble, malsaine, oppressante que l'on retrouve, bien entendu au sein du roman, mais d'une façon moins intense, moins présente.
Et puis, hein, au final: le Dakota Building et un certain John Lennon..!
Et puis, dans la foulée du succès apporté par Polanski,
Levin
récidiva en 1997 avec une suite intitulée "Le Fils de Rosemary". Il parait que l'intensité y faiblit, que l'utilité même laisse à désirer. Faut voir.J'y vais. Illico d'enthousiasme.