Sorte de compte-rendu du festival Utopia 98 organisé au Futuroscope de Poitiers à l’automne 98, cet ouvrage ne vaut pratiquement que pour ses tables rondes et pour ceux d’entre vous qui souhaitent quelques renseignements sur la biographie de Jack Vance, invité d’honneur de cette manifestation, dans le cas où ils n’en auraient pas déjà assez. Une de ses nouvelles inédites en français est aussi proposée : bien qu’il s’agisse d’un vieux texte de la part d’un maître du genre (paru dans le numéro de If, Worlds of Science-Fiction de 1953), il reste une histoire agréable typique d’un auteur qui a toujours su donner des allures exotiques et originales à ses productions.
Le reste des textes est globalement peu intéressant. Le premier, La Panique de l’Année zéro par Norman Spinrad, n’est pas mauvais mais a déjà été publié dans le tout premier numéro de Galaxies et cette façon du faire du “pas tout à fait neuf” avec du franchement vieux est toujours déplaisante même si le premier numéro de ce magazine est maintenant épuisé – j’ai souvenir qu’il présentait des textes plus intéressants que celui-ci (dont Un Cadeau de la Culture, de Iain M. Banks par exemple…) – ; le reste s’oublie presque aussi vite qu’il se lit à l’exception du texte de Paul J. McAuley, Entrée de Service, qui renouvelle de manière originale et inattendu le mythe de l’I.A. semblant surgir sur le réseau depuis nulle part ; le très français Tank de Laurent Genefort décrit une uchronie basée sur la Grande Guerre qui a décimé la quasi-totalité de l’Europe et où le niveau d’irradiation implique d’utiliser des chars blindés quasi-autonomes et intelligents ; et finalement Un petit Pas pour Max de Dan Simmons nous fait partager l’aventure un peu loufoque d’un maître-chanteur inhabituel qui ne sait pas dans quelle porte il va se coincer les doigts… Mention spéciale pour le texte d’Andreas Eschbach, Les Merveilles de l’Univers qui réussit son pari de l’émotion. À noter également la présence d’une sorte d’OVNI à travers la publication d’une vieille version du premier chapitre d’Étoiles mourantes, roman d’Ayerdhal et Dunyach, rebaptisé Ombres tueuses pour l’occasion : cette façon de faire la promo du dernier bouquin des copains frise d’autant plus l’indécence que le texte en lui-même ne raconte rien et laisse (volontairement, j’en suis sûr) le lecteur sur sa faim pour l’inciter à acheter le livre – et le pire c’est que ça marche : bien qu’étant tout à fait incapable de lire plus de trois pages d’Ayerdhal sans entendre les appels de Morphée, j’ai eu vraiment envie d’acheter le bouquin pour savoir de quoi il retourne…
La partie la plus intéressante est donc la dernière mais aussi, malheureusement, la plus courte. Les divers articles, tables rondes et interviews ont bien entendu leurs points faibles et leurs points forts mais restent globalement très informatifs une fois dépassé le stade des lamentations habituelles sur les intellectuels de la culture dominante qui n’aiment pas la science-fiction. Je n’ai que survolé l’article de Valerio Evangelisti à propos de la renaissance de la science-fiction italienne et ai été plus intéressé par l’État de la Science-Fiction en Europe : on nous y informe d’une grande partie des différences considérables avec le marché des genres de l’imaginaire de l’autre coté de l’Atlantique – dont on ne reçoit que la meilleure production, ce qui laisse songeur quant au niveau du reste, et qui ne publie pratiquement pas de choses de chez nous à cause de l’absence d’agents littéraires entre autres raisons. L’entrevue avec Andreas Eschbach nous confirme presque sans aucun détour que le copinage et les relations restent les meilleurs moyens de voir son travail d’écrivain reconnu et/ou publié dans les milieux de la science-fiction, ce qui n’a rien détonnant puisqu’il n’y a pas de raison que ce soit mieux ici qu’ailleurs… Dunyach surprend dans la table ronde Science et littérature quand il déclare être favorable à des films tel que Jurassic Park puisque ça permet aux chercheurs en paléontologie d’obtenir plus de crédits pour leurs travaux. Enfin, La science-fiction “jeunesse” nous fait partager les vues de nombreux auteurs spécialisés dans ce domaine à propos de ce “ghetto dans le ghetto” puisque pendant longtemps ce sous-genre n’était pas considérée comme digne d’intérêt par… les écrivains de science-fiction “classique” ; fort heureusement ce très efficace moyen d’initiation au genre a su s’imposer.
Les première et quatrième de couverture sont illustrés par un Caza qui donne la claire impression de ne pas savoir ce qu’il fout là et franchement ça fait un moment : autant cet artiste a eu une heure de gloire certaine grâce à un style personnel et novateur, autant il ne fait plus que se répéter depuis longtemps – au contraire de certains de ses confrères de l’époque, tels que Moebius ou Druillet.
Les nouveaux-venus et les profanes des genres de l’imaginaire seront peut-être intéressés par cet ouvrage comme base pour un éventuel futur approfondissement – c’était peut-être le but maintenant que j’y pense –, les autres feraient mieux de passer leur chemin.