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Le lendemain, on retrouve Rosco mort et Mel doit prouver à ses gars qu’il n’y est pour rien : pas évident quand on a affaire à du gibier de potence qui n’a pas l’habitude d’y aller par quatre chemins pour régler ses problèmes, et encore moins de se creuser la tête quand les apparences se montrent aussi évidentes. Et ça ne s’arrange pas quand d’autres meurtres sont découverts…
On a tous à un moment ou à un autre eu l’occasion de tomber sur une œuvre unique. Ce genre de création qui présente trop de lacunes pour prétendre au statut de chef-d’œuvre, ou même de simple classique, mais qui combine néanmoins avec talent un niveau d’excellence peu contestable sur les principaux éléments dont elle se compose en plus de reposer sur un thème rare. En l’occurrence, les principaux éléments sont bien sûr le scénario et les dessins, alors que le thème est celui de la « mort » d’une ville – mais d’une ville devenue sujet à travers les actes d’un personnage assez peu commun qui ne s’encombre plus de scrupules tant son statut d’être humain est devenu pour le moins discutable.
Vixit, premier et à ce jour unique tome de la série Tueur de ville créée par Ralph et Kisler, s’impose donc comme une création toute aussi riche que singulière.
Par son scénario d’abord. Assez typique des années 80 dans sa manière de mêler une certaine violence, à la fois physique et morale, à la déchéance d’un futur terriblement immédiat où les valeurs humaines ne semblent pas éteintes mais plutôt n’avoir jamais existé, ce récit se réclame presque du cyberpunk. Avec ses protagonistes tirés d’une prison de haute sécurité et chargés d’une mission atypique par une compagnie qu’on devine bien sûr multinationale et tentaculaire, la narration installe d’emblée une impression assez peu comparable à d’autres. Quant à la révélation du coupable, au milieu du tome, elle constitue le point culminant de ce malaise qu’éprouve le lecteur dès le début : le monstre, en effet, s’avère surtout victime…
Encore que Vixit s’affirme surtout comme une œuvre d’ambiance, et sur ce point les graphismes de Kisler se montrent tout à fait à propos.
Tantôt claires, tantôt obscures, mais présentant toujours une part de glauque, ces illustrations combinent les styles franco-belges et anglo-saxons avec une maturité assez typique de cette époque où les auteurs français avaient pleinement assimilé les codes du comics dans leur art. À la fois dynamiques et contemplatives, ces planches donnent une personnalité et une aura bien spécifiques à la cité et à son complexe industriel : d’une manière assez étrange, on pense à Mad Max et en règle générale à une sorte de post-apocalyptique qui ne veut pas dire son nom ; mais on pourrait aussi évoquer le western, ainsi que Les Douze Salopards, parmi d’autres inspirations…
Au final, à travers ces racines très diverses, Vixit se veut surtout une œuvre postmoderne, à l’instar de beaucoup d’autres créations de son temps.
Voilà comment le véritable sujet central de ce récit s’avère en fait être la ville, et peut-être même son héros d’ailleurs ou du moins son protagoniste principal. Sous bien des aspects, en effet, ce récit donne l’impression qu’elle se rebelle contre sa destruction programmée en tuant ceux chargés de son assassinat. Bien sûr, la réalité s’avère vite assez différente, ce qui devient la raison d’un drame inhabituel, surtout dans une histoire reposant autant sur le suspense, l’angoisse et l’action ; ce sera d’ailleurs l’occasion de voir qu’en dépit de tous ses muscles, le personnage de Mel Kilgor s’avère en réalité bien plus complexe qu’il en a l’air et notamment en raison d’un passé aussi lourd que peu banal.
À la fois drame et thriller, récit d’action et de suspense, Vixit s’impose comme une œuvre pour le moins protéiforme qui saura bien remplir un long moment de lecture si, comme moi, vous aimez les productions atypiques.
Note :
Peut-être en raison de ses spécificités narratives et thématiques peu aptes à s’attirer la sympathie du public, la série Tueur de ville s’arrête à ce premier et unique tome.